Nouvelles de Flandre
La Suisse : un exemple d'équilibre linguistique

La Confédération suisse bat largement la Belgique sur le plan linguistique. Elle compte quatre langues nationales et officielles : l'allemand, le français, l'italien et… le romanche. Et, au lieu de développer d'incessantes et stériles querelles linguistiques à la Belge, les Suisses ont résolu les problèmes de cohabitation avec bonne volonté et bon-sens

La situation actuelle résulte d'une longue histoire que nous conte le professeur Gilles Revaz, auteur d'un petit livre roboratif intitulé : « La Suisse et la Francophonie ».

Les origines de la Suisse remontent à 1291, date à laquelle les trois cantons germanophones d'Uri, de Schwytz et d'Unterwald se sont unis. Ce noyau s'est développé au cours des siècles. Petit à petit les cantons se sont additionnés au sein d'une Confédération qui en compte 23 aujourd'hui. La situation interne de la Suisse est éminemment complexe. Les Etats sont autonomes, mais ont une politique étrangère commune. De nombreux cantons sont bilingues et n'ont pas d'unité confessionnelle. Napoléon aurait dit : « je me regarderais comme incapable de gouverner les Suisses. » Evidemment : les Suisses sont nés démocrates et leur sens de la liberté est proverbial.

Entrée en Francophonie

Le professeur Ravez retrace l'histoire des relations officielles de la Suisse avec la Francophonie. Tout en refusant d'entrer dans l'Europe, le peuple suisse a accepté « la ratification des accords bilatéraux avec l'Union européenne sans qu'il y ait eu de fossé linguistique. » Et la Confédération a « adhéré en tant qu'Etat plurilingue aux institutions de la Francophonie ». « C'est bien à la Confédération que ressortissent les Affaires étrangères et c'est elle qui a pris en charge le dossier francophone au sein de ce département. » Autrement dit : ce n'est pas une affaire de la seule Suisse romande !

En 1996, le Parlement entérinait, presque à l'unanimité, la participation de la Suisse à l'Agence de coopération culturelle et technique. Le Conseil fédéral relevait à cette occasion « qu'une participation à plein titre de la Suisse à la Francophonie correspond à une aspiration ressentie comme prioritaire en Suisse romande » (c'est l'auteur qui souligne). On reconnaît donc explicitement la sensibilité d'une partie du pays. On prend soin toutefois de préciser que « cette reconnaissance ne sera pas préjudiciable aux autres communautés linguistiques ».

Multiculturalisme

La Suisse participe aussi à TV5 depuis le lancement de la chaîne. « La Francophonie constitue un instrument efficace pour le rayonnement extérieur de la Suisse, la promotion de son image et de sa culture. » La Suisse apporte à la Francophonie son sens de la diversité culturelle. « La Suisse, qui s'insère naturellement dans l'espace francophone pour des raisons linguistiques et culturelles pourrait à son tour apporter un nouvel élément d'équilibre, en tant que pays dont le multiculturalisme est une tradition » (c'est l'auteur qui souligne).

« L'année 2002 a été l'acmé de l'engagement de la Suisse dans la Francophonie. En juillet s'est tenue à Berne la 28ème session ordinaire de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, puis en septembre à Genève, les 34èmes assises de l'Union internationale de la Presse franco-phone. Le point culminant aura été la tenue pour la première fois en Suisse de la ministérielle de la Francophonie du 11 au 13 décembre à Lausanne. »

Les Suisses, sans complexe linguistique, « se sont montrés favorables à une très large majorité (plus des trois quarts de la population) pour le maintien de la langue française comme langue internationale aux Nations Unies ». « Il semble que tous les Suisses souhaitent le maintien d'une de leurs langues nationales comme langue internationale et qu'on ne soit pas prêt à sacrifier la langue d'un compatriote au profit de l'anglais. Ce résultat est plutôt encourageant ; même si l'anglais est devenu la langue de communication dans les affaires en Suisse, cela ne signifie pas que l'on veuille entériner ce fait dans le domaine politique. »

Plurilinguisme constitutionnel

Pour en revenir à la politique linguistique intérieure de la Confédération helvétique, rappelons que « le plurilinguisme a d'ailleurs été affirmé avec beaucoup de vigueur dans la Constitution de 1999 ». Soulignons particulièrement les deux éléments suivants :

Des dispositions constitutionnelles qui pourraient inciter les Belges à la réflexion ?

« La défense de la diversité culturelle, en particulier le soutien des minorités menacées &endash; les commu-nautés romanches et italophones &endash; est devenue une préoccupation prioritaire de la politique suisse. »

La Suisse n'est pas exclusivement un producteur de montres et de fromages ou un centre bancaire ; elle est aussi, fondamentalement, un lieu de démocratie et un pays ouvert sur le monde.

« La Suisse apparaît sous un nouveau costume, celui d'un pays moderne qui réfléchit aux grands problèmes et qui s'interroge dans une perspective mondiale. »

 

Marcel BAUWENS


Gilles Revaz - « La Suisse et la Francophonie » - Ed. CIDEF-AFI, Faculté des lettres, Université Laval à Québec.


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