Nouvelles de Flandre
Géorgie: une histoire de rencontres

Située à la croisée de l'Europe et de l'Asie, la Géorgie(1) fut une terre de passage et de rencontres de grandes puissances et de grandes cultures: achéménide, grecque, romaine, perse, arabe, byzantine, seldjoukide, mongole, ottomane et russe. Toutefois, elle réussit à développer sa propre culture et à conserver sa propre langue.

Pendant l'âge d'or, entre le XIe et le XIIIe siècle, ses deux États unifiés - la Colchide, sur la côte du Pont-Euxin (mer Noire), et l'Ibérie(2), en Géorgie orientale - connurent un essor culturel et économique dans tout le Moyen-Orient, sous le règne de la reine Tamar. En résulte un patrimoine d'une richesse inouïe.

Dans le cadre du festival Europalia Georgia à Bruxelles, l'exposition "une histoire de rencontres", au Musée Art & Histoire, au parc du Cinquantenaire, met en lumière, jusqu'au 18 février 2024, l'art et le patrimoine de la Géorgie, du néolithique au XVIIIe siècle.

Berceau de la viticulture et de la vinification

Le vin est produit en Géorgie depuis au moins 8000 ans. Il accompagne un art de la table ritualisé par le tamada ou maître de cérémonie de longs banquets, ponctués de fréquents toasts. Conservé dans de grands pots de terre cuite, décorés de grappes de raisin, le vin, transporté dans des chariots attelés à des taureaux, dut faire l'objet d'échanges avec des pays étrangers. Bien culturel le plus ancien de Géorgie, le vin occupe la première salle de l'exposition.

Les premiers "kourganes" (tumulus)

Même s'ils furent pillés, les kourganes, sépultures mesurant jusqu'à cent mètres de diamètre, témoignent de la richesse des chefs pour lesquels ils furent construits: des objets raffinés d'orfèvrerie, dont une boucle (or, grenat, ambre, turquoise) avec des scènes de combat d'animaux (affiche de l'exposition), des coupes, bols et gobelets décorés de motifs filigranés sertis de pierres colorées, un pectoral ajouré, des diadèmes et des colliers (or, cornaline, agate).

En plus de la création d'armes offensives, poignards et épées de bronze, le travail artisanal du métal produisit des bijoux en or incrusté de grenat. Cette technique se répandit dans l'orfèvrerie des Goths, des Sarmates et des Mérovingiens. Les objets sont présentés de façon didactique, comparés, par exemple, à des objets grecs ou romains.

Amirani, le Prométhée géorgien

Le mythe hellénique de Prométhée, qui s'empare du feu céleste à l'aube de l'humanité, trouverait son origine en Géorgie, dans la légende d'Amirani, qui remonte à 2_000 ans environ avant Jésus-Christ.

Dans la première version écrite, au XIIe siècle, sorte de roman chevaleresque, Amirani combat trois dragons, un blanc, un rouge et un noir. Le récit révèle une littérature séculaire autochtone qui rassemble et mélange des motifs folkloriques géorgiens, persans, arabes et grecs, dans le fond et dans la forme.

Berceau du mythe de la Toison d'or

La présence d'abondantes mines d'or en Colchide donna probablement naissance au mythe de la Toison d'or. Il appartient à un cycle ancien d'histoires des Argonautes. La Colchide, connue des Grecs pour un pays de richesses, fut la destination de leur premier voyage à l'époque mycénienne. La toison à récupérer, gardée par un redoutable dragon, se trouvait dans le lointain pays d'Aïa ou Colchide. Les poèmes d'Homère évoquent les Argonautes et leur navire, l'Argo.

Selon une des deux lectures du mythe, la Toison d'or symbolisait la richesse de la Colchide. Selon Appien, "beaucoup de fleuves qui charrient de la poussière d'or invisible coulent du Caucase. Les habitants mettent des peaux de moutons à longues toisons dans le courant et rassemblent ainsi les particules flottantes. Peut-être telle était la toison d'or de Aïétès".

De la Colchide à Bruges: l'ordre bourguignon de la Toison d'or

Philippe le Bon, duc de Bourgogne, fonda l'ordre de la Toison d'or à Bruges en 1430. Le nouvel ordre de chevalerie plaçait le duc de Bourgogne sur un plan d'égalité avec ses collègues royaux. L'idée de la toison montre l'importance de l'industrie du drap et de la laine sur les territoires appartenant au jeune duc.

Celui-ci avait vu maintes fois des scènes de ce mythe sur les peintures murales de Melchior Broederlam, à Hesdin, dans le château de son grand-père. Selon une version de la légende de Jason, le héros rapporte chez lui la toison à laquelle sont encore attachées la tête et les pattes du mouton, ce qui explique la forme de l'emblème de l'ordre, un mouton (pas seulement une toison) suspendu à un collier.

Alphabet et caractères géorgiens. Langue

L'alphabet géorgien, élaboré au Ve siècle, après la conversion au christianisme, se fonde sur l'alphabet grec, les trois premières lettres ani-bani-gani suivent l'ordre grec alpha-bêta-gamma. Il se caractérise par une correspondance biunivoque entre les lettres et les sons. Les 38 lettres originaires furent réduites à 33.

Le géorgien, qui s'écrit de gauche à droite, est une langue caucasienne, flexionnelle: sept cas exprimés par des suffixes, sans distinction de genre. Un verbe peut s'accorder avec un sujet, un objet direct ou un objet indirect. Trois temps/aspects : présent-futur, aoriste, parfait. Les Géorgiens tiennent à leur écriture, fondée sur leur alphabet, et à leur langue, qui servent de puissants marqueurs d'identité.


Michèle LENOBLE

(1) Géorgie: État grand comme deux fois la Belgique, situé dans le Caucase. Pont entre l'est et l'ouest. Capitale: Tbilissi. À distinguer de la Géorgie, État des États-Unis, sur l'Atlantique. Capitale: Atlanta.

(2) Dans le Caucase, "les Ibères" signifie "les Géorgiens" parce que le premier royaume unifié, Kartli, au IVe s. av. J.-C., est appelé Ibérie dans les sources grecques. À distinguer des Ibères, ancien peuple d'Ibérie ou d'Hispanie qui occupait à la fin du néolithique la grande partie de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal actuels).

Informations: https://www.artandhistory.museum/fr


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