Nouvelles de Flandre
Petite chronique langagière:
Écriture: visibilité des genres ou formulation neutre

La façon d'écrire que nous avons apprise à l'école reste correcte, valable et recommandée. Toutefois, les femmes qui veulent être vues dans les textes s'efforcent de les féminiser(1). D'autres personnes voudraient que les deux genres (grammaticaux) soient visibles ou, au contraire, que les textes restent neutres. Au moyen de quels procédés?

Procédés de visibilité des deux genres

1. Doublets complets, si possible alternés

On appelle doublet un ensemble comprenant les deux formes (une masculine et une féminine) de l'article (le, la; un, une) ou du démonstratif (ce, cet, cette) et du nom ou de la locution nominale, formes coordonnées par et ou par ou. Un analyste-programmeur ou une analyste-programmeuse rencontrera l'étudiant inscrit ou l'étudiante inscrite. On veille à alterner, si possible, de phrase en phrase, la forme masculine et la forme féminine. Le médecin examinera la patiente. Elle...il... Il...elle... Risque: les doublets complets compromet-tent la lisibilité parce qu'ils allongent les textes, les encombrent et les alourdissent; or tout exposé clair et soigné évite les répétitions.

2. Doublets abrégés par des moyens typographiques

- Parenthèses: les usager(e)s ou usager(ère)s
- Traits d'union: les greffier-ère-s
- Barres obliques: les administrateur/trice/s
- Lettre capitale E: les écrivainEs
- Point médian, central, milieu ou point bas: Cher.e.s ami.e.s ou Cher.ère.s ami.e.s. Segments instables et inexistants en français. À l'oral, formes imprononçables; à l'écrit, formes illisibles(2). Risque: les doublets abrégés gênent la lecture et donc l'accès à l'information, tout en faisant fi de l'esthétique du texte.

Procédés de formulation neutre ou d'abstraction des genres

1. Par des noms neutres

- Noms collectifs. Chacun désigne un ensemble de personnes: le corps enseignant, la communauté scolaire, le service de l'informatique, la clientèle... Sont-ils synonymes: l'électorat/les électeurs et les électrices? Le syndicat/les syndiqués et les syndiquées? Risque: les noms collectifs rendent le texte plus abstrait, donc généralement moins efficace.

- Noms de fonction et noms d'unité administrative. Ils peuvent, dans certains contextes, remplacer la désignation de la personne titulaire ou responsable: la direction, le secrétariat.

- Noms épicènes. Épicène se dit d'un mot qui garde la même forme au masculin et au féminin. Camille, libraire, je, apte sont épicènes. L'usage de mots épicènes qui désignent aussi bien les femmes que les hommes devrait conduire à une formulation neutre et inclusive. Or le double déterminant le ou la, souvent nécessaire au singulier, rend les genres visibles: le ou la responsable, un ou une fonctionnaire. Afin d'invisibiliser le genre, utiliser si possible le pluriel: les chefs de projet, les spécialistes, les profs...

2. Par des adjectifs épicènes: capable, raisonnable, universitaire... S'interdire des adjectifs risque d'appauvrir le vocabulaire du texte et d'induire des glissements de sens indésirables.

3. Par des pronoms épicènes: on, quiconque, plusieurs... Risque: dépersonnaliser le texte au profit d'un ton banal et de la fuite des responsabilités.

4. Par des néologismes résultant de la fusion d'un mot masculin et d'un mot féminin: toustes à la place de tous et toutes. Celleux au lieu de celles et ceux. Instituteurices pour instituteurs et institutrices. Spectateurices... Risque: ces formes ne s'intègrent pas au système fermé de la grammaire française. La liste des pronoms personnels (je, tu, il...) est close. Si iel se substitue à il et elle, comment accorder l'adjectif dans iel est beau/belle? Le système grammatical ne fonctionne pas.

Force est de constater que les doublets comme la formulation neutre, peu satisfaisants, ne mènent pas à la rédaction claire. Que les textes soient féminisés, que les genres y soient visibles ou neutralisés, veillons à ce qu'ils restent lisibles, compréhensibles et corrects.


Michèle LENOBLE

(1) Cf. "Rédaction dite inclusive et point médian", in Nouvelles de Flandre, n° 109, juillet-septembre 2023, p. 23.
(2) Cf. note 1.


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