Nouvelles de Flandre
Petite chronique langagière: Rédaction dite inclusive et point médian

Comment rendre les femmes visibles dans les textes? Après les doublets encombrants du type les électeurs et les électrices, certaines préconisent la rédaction dite inclusive au moyen d'un point appelé point médian, point central ou point milieu, placé à la hauteur du trait d'union.

Il est souvent remplacé par un point ordinaire sur la ligne, appelé point bas. Typographie non conventionnelle. Tous.tes les utilisateur.trice.s invité.e.s sont attendu.e.s à 18 heures. Les formes nouvelles se prétendent inclusives alors qu'elles ne le sont pas puisqu'elles distinguent les hommes et les femmes. Elles sont marquées et peuvent être perçues comme excluant un groupe d'un ensemble mixte.

La langue française n'est pas sexiste. Le genre des noms de personnes n'est pas sexuel, mais grammatical. Une vedette, une sentinelle, une excellence se disent d'un homme, un mannequin, un tyran, un génie s'appliquent à une femme. Les marques grammaticales féminines, telles que l'article (la, une), le démonstratif (cette), les finales des noms, des adjectifs et des participes passés, montrent la femme dans les textes. Il existe parfois plusieurs formes féminines, comme auteur, autrice et auteure, bien que la dernière ne respecte pas les règles ordinaires de dérivation et constitue un barbarisme.

Prise de position d'organismes officiels

Selon l'Académie française, l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique et le Conseil international de la langue française, dans le cas de la féminisation, le point médian doit être rejeté. En France, le ministère de l'Éducation l'interdit depuis mai 2021. Pourquoi? Dans la langue orale, le point médian crée des segments inexistants, qui rendent les formes imprononçables (Cher.ère.s confrère.sœur.s). Comment déclamer un poème? Dans la langue écrite, il installe des formes longues et illisibles (traducteur.trice.s), qui encombrent la phrase et gênent la lecture. Malvoyants, dyslexiques et appre-nants se plaignent de ces formes instables et contre-intuitives. Non seulement le point est détourné de sa fonction, mais l'usage du point médian varie souvent sans cohérence (tous.tes ou tou.s.te.s). À la rigueur pourrait-il servir dans d'étroites colonnes.

Fondamentalement, ni le point médian ni la rédaction dite inclusive, non sexiste, non discriminatoire, égalitaire, épicène, n'aideront à lutter contre les graves discriminations sexistes, qu'il s'agisse de violences conjugales, de disparités salariales ou de harcèlements.

Le masculin, genre indifférencié, inclusif

Vu que la langue française ne dispose que de deux genres, l'Académie française conseille de considérer le masculin à valeur générique comme le genre non marqué, indifférencié. D'une part, il sert à nommer les fonctions, mandats publics et rôles sociaux distincts de leurs titulaires, accessibles aux hommes et aux femmes à égalité. La fonction de bâtonnier n'appartient ni à l'homme ni à la femme qui l'occupe. Élire un président. Désigner un expert, un représentant, un conseiller. L'usage du générique masculin s'impose dans les textes juridiques, lois, décrets, instructions, arrêtés.

D'autre part, inclusif, le genre masculin peut faire référence à des ensembles mixtes, composés d'hommes et de femmes. Les voyageurs doivent descendre du train au prochain arrêt. Les voyageuses ne resteront pas dans le train! Après deux noms de genre différent, les adjectifs et les participes passés s'accordent au masculin pluriel. Son frère et sa sœur se sont montrés conciliants. Les accords grammaticaux ne hiérarchisent pas. Évitons la formulation ancienne selon laquelle "le masculin l'emporte sur le féminin".

Le féminin, genre marqué, excluant

Le genre féminin ne renvoie qu'à des femmes, il est marqué. Il exclut les êtres humains masculins. Maître Françoise Duchêne est un grand avocat: masculin indifférencié et inclusif. Une grande avocate enfermerait injustement maître Duchêne dans la moitié seulement de l'ensemble des avocats. Jean d'Ormesson accueillit en 1981 la première femme, Marguerite Yourcenar, à l'Académie française, en disant: "Ce n'est pas parce que vous êtes une femme que vous êtes ici aujourd'hui: c'est parce que vous êtes un grand écrivain". Quoi qu'il en soit, gardons raison et bon sens. Restons courtois.


Michèle LENOBLE


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