Nouvelles de Flandre
Petite chronique langagière: En drive-in, non. Au volant, oui

Tout commence avec le cinéma drive-in aux États-Unis dans les années cinquante, même si le premier drive-in date de 1933.

À l'époque, le drive-in est la réponse des exploitants de salles de cinéma aux jeunes Américains "_accros_" à leurs limousines, qui refusent de descendre de voiture. Puisque ces jeunes ne veulent plus entrer dans les salles obscures, les salles vont à eux. Les Européens suivent.

Le soir, en fin de semaine, en juillet et août 1989, le drive-in du Cinquantenaire à Bruxelles attire environ 15.000 spectateurs à 26 projections sur un écran géant de 375 mètres carrés. L'esplanade du Cinquantenaire devient le lieu des frimes et des voitures extravagantes: vieilles Deux Chevaux ou "deuches" crasseuses, belles américaines bichonnées avec amour, Rolls de papa ou de l'oncle Paul. Des places sont prévues pour les cinéphiles non motorisés. Existent aussi en Belgique des drive-in restaurants, des drive-in drinks, etc.

En français, drive-in est un emprunt américain, dérivé de to drive in, "entrer en voiture". Attesté comme adjectif (les drive-in restaurants), le mot signifie "où l'on peut entrer sans quitter la voiture". Son emploi comme nom en français date de 1953 et se répand vers 1970 lorsque des drive-in sont installés en France. Dans ces installations, l'on peut donc - en restant dans la voiture - assister à la projection d'un film (cinéma en plein air), se restaurer, acheter des boissons et des produits alimentaires, accomplir une opération bancaire et, en 2020, rendre visite à saint Nicolas.

Auvolant ou au volant?

En mars 1985, l'Atelier de vocabulaire de Bruxelles, qui se réunit à la Maison de la Francité, examine cet emprunt américain. Je rédige la fiche drive-in en proposant le substitut auvolant, soudé, et des mots nouveaux comme cinévolant, restauvolant, banquauvolant. En France, la Commission d'enrichissement de la langue française mettra ce substitut en évidence seulement en 2016, en écrivant au volant en deux mots.

Aux États-Unis, à Détroit, en 1986, une entreprise de pompes funèbres organise l'enterrement drive-in. Les parents et amis pénètrent au volant de leurs véhicules dans le parc du funérarium. En passant devant le cercueil, la voiture s'arrête et les occupants, sans en sortir, se recueillent un moment avant de jeter leur carte de visite dans un panier prévu à cet effet.

Dans Une aventure d'Astérix. Le domaine des dieux (1971), René Goscinny et Albert Uderzo imaginent un drive-in romain sans utiliser l'américanisme qu'ils traduisent littéralement. Le jeune architecte "Anglaigus a non seulement construit de nombreuses insulae [immeubles de rapport], dont beaucoup ne se sont pas écroulées… mais il est aussi l'inventeur du conduisez-dedans".

Les mesures sanitaires à respecter durant la pandémie de covid-19 ont favorisé l'ouverture de nombreux drive-in et l'implantation de l'emprunt dans l'usage. Réagissons. Préférons employer test au volant, alimentation au volant, etc.


Michèle LENOBLE-PINSON


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