Nouvelles de Flandre
Bref état des lieux de la langue française en Afrique subsaharienne

Tout porte à croire que le centre de gravité du français se situera bientôt en Afrique: 75% des 800 millions de francophones que devrait compter la planète en 2050, d'après l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), vivront entre l'Algérie et Madagascar.

Paris ou Kinshasa

Le Bénin a vu sa population multipliée par cinq en quarante ans, et, dans le même temps, les francophones y sont devenus quarante-cinq fois plus nombreux. Aujourd'hui, Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), est déjà la plus grande ville de langue française: avec 14 millions d'habitants, elle dépasse la Région parisienne.

Une trentaine de pays francophones

Vingt-six pays francophones se trouvent en Afrique noire, hormis les deux départements français de la Réunion et Mayotte. Cinq d'entre eux comptent déjà plus de 60% de francophones réels, ceux qui maitrisent les quatre compétences: parler, comprendre, lire, écrire. Le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Togo, Djibouti et le Congo-Kinshasa, le géant francophone de l'Afrique avec plus de cent millions d'habitants en 2022.

Les "moyens", comme le Sénégal, le Burkina, Madagascar, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, etc. se situent autour de 35%.

Les plus faibles, par exemple la Mauritanie, le Niger ou le Mali, souvent les plus pauvres, comptent au minimum 15% de francophones réels.

Si on y ajoute l'ile Maurice, les Seychelles, les Comores, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie : tout le continent africain compte trente-deux États où le français est reconnu officiellement.

Le français d'Afrique

Après plus d'un siècle et demi de contact francophone, les Africains ont ajouté leur propre grain de sel au français qu'ils parlent en l'enrichissant de particularités lexicales, syntaxiques et phonétiques. Il existe des français d'Afrique: par exemple, le nouchi, au Sénégal, ou le camfranglais au Cameroun, un argot fait d'un mélange de français, d'anglais et de parlers locaux.

En RDC, où ce sont les Belges qui ont introduit le français, on retrouve pas mal de belgicismes: septante, nonante, le bourgmestre, "savoir" pour "pouvoir", etc.

La créativité lexicale des Africains est étonnante: ambiancer (faire la fête), siester, une essencerie (station-service), le portier (gardien de but)... Des termes jugés très familiers, voire grossiers, en français de référence, sont employés couramment, comme se démerder, pour se débrouiller. Ou des images parfois très "énergiques": faire boutique mon cul pour se prostituer.

En RDC: L'article 15 est l'équivalent de notre "système D" (se débrouiller). Toujours en RDC: frousser veut dire "avoir la frousse, crever de trouille". Au Sénégal: une boule de neige, c'est un chou fleur!

D'autres langues "coloniales" ont laissé des traces dans le français africain: une signare, au Sénégal, est une belle et grande dame, d'après le portugais senhora.

Une littérature pleine de vitalité

En 1921, le Prix Goncourt récompense pour la première fois un écrivain noir : René Maran (Français antillais) pour son roman Batouala qui se passe en Oubangui (actuel Centrafrique). La préface, un vibrant appel à la décolonisation, augmente son succès.

Toutefois, le vrai pionnier de cette littérature négro-africaine en français est un poète et un professeur, le premier président du Sénégal: Léopold Sédar Senghor. Avec d'autres, il fonde le "mouvement de la négritude": assumer sans complexe le fait d'être noir.

Camara Laye, Cheikh Hamidou Kane, Ferdinand Oyono, Ousmane Sembène, etc... Les premiers grands auteurs sont déjà des classiques pour une littérature désormais en plein essor et qui ne laisse pas les femmes de côté: Mariama Bâ, Ken Bougoul, Léonora Miano, Aminata Sow Fall, Fatou Diomé, Calixthe Beyala...

Parmi les écrivains plus récents, il faut citer Alain Mabanckou (Congo-Brazzaville), Demain j'aurai vingt ans (2010), le Camerounais Eugène Ébodé: La Rose dans le bus jaune (2013), Brulant était le regard de Picasso (2021)... Et, bien sûr, le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, pour La plus secrète mémoire des hommes, Prix Goncourt 2021, cent ans après René Maran.

La place des médias

Enfin, c'est bien sûr aussi à travers les médias que le français se diffuse en Afrique: l'audiovisuel et surtout la presse écrite, abondante et très diverse. Citons quelques quotidiens: Info-Plus, au Bénin. Le Soleil, au Sénégal. EcoMatin, au Cameroun. L'Agora, Fraternité-Matin, en Côte d'Ivoire. L'Avenir, Congo 24, au Congo-Kinshasa. Midi-Madaga-sikara, à Madagascar, etc.

La francophonie semble promise à un bel avenir en Afrique, à condition toutefois que la qualité de l'enseignement suive la progression démographique. Les États africains et l'OIF ne pourront pas éviter les efforts nécessaires au recrutement de professeurs bien formés et motivés, qui continueront à diffuser une langue correcte, gage de réussite sociale.


Robert MASSART


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