Nouvelles de Flandre
Droits de l'Homme: L'ONU souligne les points faibles de la Belgique



Genève, Palais des Nations (de g. à d.: Michelle Bachelet et Sophie Wilmès)

Ça bouge du côté de l'ONU! Dans le cadre du suivi du troisième cycle de l'Examen périodique universel (EPU), Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l'Homme, a adressé, fin février, une lettre(1) à notre Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès.

Rappelons que l'EPU est un processus unique en son genre, qui consiste à passer en revue les réalisations de l'ensemble des États membres de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. Le cycle de l'EPU étant d'environ cinq ans, chaque État dispose, entre deux examens, de quatre ans et demi pour assurer le suivi et la mise en œuvre des recommandations et des engagements issus de l'examen précédent.

Le courrier de Madame Bachelet a clairement pour objectif de renforcer le contrôle du suivi des recommandations issues de l'EPU, en l'occurrence, des recommandations faites à la Belgique lors de son EPU de mai 2021.

Se basant sur les informations de l'ONU, les rapports alternatifs et les recommandations, la Haut-commissaire a identifié pas moins de 43 points nécessitant une attention particulière d'ici le prochain EPU de la Belgique en 2026. De la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, à la protection des travailleurs migrants, en passant par l'établissement d'une institution nationale des droits de l'homme de statut A.

Protection et promotion des droits humains

Dans sa lettre, la Haut-commissaire salue la création, en Belgique, de l'Institut Fédéral pour la protection et la promotion des Droits Humains (IFDH) en tant qu'institution nationale des droits de l'Homme, tout en plaidant pour que son mandat soit aussi large que possible et que l'institut soit autorisé à entendre et à examiner les plaintes concernant des situations individuelles.

Le fait que l'IFDH puisse entendre et examiner des plaintes individuelles a toute son importance pour les victimes de discrimination linguistique. En effet, en l'absence d'organe compétent, les victimes d'une discrimination fondée sur la langue, contrairement aux victimes de discrimination liée aux autres motifs mentionnés dans la législation, ne peuvent toujours pas bénéficier de l'aide, d'informations et de conseils d'une institution publique spécialement créée à cette fin.

Élaboration d'un plan d'action national

Michelle Bachelet encourage la Belgique à élaborer un plan d'action nationale exhaustif en matière de droits de l'homme afin d'obtenir des résultats concrets au niveau des points identifiés. Et de préciser: "Mon conseil à tous les États membres est d'élaborer et de mettre en œuvre des plans d'action nationaux en étroite consultation et coopération avec toutes les parties prenantes, notamment l'institution nationale des droits de l'homme et toutes les organisations de la société civile et le cas échéant, le soutien des organisations internationales, y compris mon bureau et d'autres entités des Nations unies, sous la direction de la représentante du système des Nations unies pour l'Union européenne à Bruxelles".

Élaboration de rapports et suivi des recommandations

Madame Bachelet poursuit en encourageant également la Belgique à mettre en place un mécanisme national d'élaboration de rapports exhaustifs et de suivi des recommandations reçues de tous les mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme.

À cette fin, Madame Bachelet recommande fortement l'utilisation du guide "Mécanismes nationaux d'élaboration des rapports et de suivi"(2), édité par son Bureau. Un guide pratique sur la collaboration efficace de l'État avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme, dans lequel il est partout question de consultation de la société civile.

La collaboration avec la société civile... un problème récurrent!

Déjà, lors du deuxième EPU de la Belgique, en 2016, Didier Reynders, le Ministre des Affaires étrangères de l'époque, soulignait que la collaboration avec la société civile était perfectible. "Nous avons pris note des remarques de la société civile sur l'approche belge en vue de la rédaction du rapport de la Belgique au titre de l'Examen périodique universel et nous ne manquerons pas de voir avec toutes les autorités concernées comment améliorer encore le processus dans le futur. Lors du suivi de la session du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel, nous ne manquerons par ailleurs pas d'engager un dialogue constructif avec la société civile."

Malgré cet engagement, auquel il faut ajouter l'acceptation par la Belgique de la recommandation de la Pologne (2016) "d'associer la société civile au processus de suivi et de mise en œuvre des recommandations issues de l'EPU", de la recommandation de la Malaisie (2021) de "coopérer régulièrement avec la société civile pour le suivi des recommandations résultant de l'Examen périodique universel" et de la recommandation de l'Albanie (2021) de "collaborer activement et régulièrement avec la société civile", il faut bien se rendre à l'évidence: rien ne bouge! 

Lors du deuxième cycle de la Belgique, il aura fallu attendre plus de trois ans et demi avant que le SPF Affaires étrangères n'organise, le 19 décembre 2019, une session d'information et de dialogue avec la société civile au Palais d'Egmont. C'est la seule et unique réunion de suivi à laquelle les acteurs de la société civile ont été invités à participer depuis le débriefing d'avril 2016.

Et le manque de collaboration avec la société civile ne fait que se répéter: pour préparer le dernier EPU de la Belgique, la société civile n'a été consultée qu'une seule fois, le 12 janvier 2021, en fin de parcours. Juste avant la date limite de dépôt du rapport national à l'ONU, fixée au 1er février, limitant ainsi le rôle de la société civile à cautionner un rapport rédigé exclusivement en interne. C'est inacceptable!

Quant au suivi des recommandations du dernier EPU de la Belgique de mai 2021: mis à part une réunion de débriefing décevante, organisée le 11 juin dernier par le SPF Affaires étrangères, la société civile n'a plus été réunie.

Autant dire que le rappel à l'ordre de la Haut-commissaire aux droits de l'Homme tombe à point nommé!


Edgar FONCK

(1) https://www.ohchr.org/sites/default/files/2022-03/Belgique.pdf
(2) https://www.ohchr.org/Documents/Publications/HR_PUB_16_1_NMRF_PracticalGuide.pdf


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