Nouvelles de Flandre
Lectures: "Le français n'existe pas"

Le préfacier belge Alex Vizorek s'interroge: "Pourquoi vivre en démocratie et s'auto-imposer la dictature de l'orthographe?" Il nous conseille de réfléchir à cette partie de notre patrimoine commun francophone_: notre langue.

Après avoir montré les incohérences de l'orthographe française dans "La convivialité", une conférence mise en espace, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, enseignants, publient 21 chroniques, pétulantes, enjouées et instructives. Le français n'existe pas(*), il existe, en effet, plusieurs français: le français standard, le français soigné ou littéraire, entre autres.

Les deux amis, qui se plaisent à déconstruire, avec méthode et humour, les idées reçues, passent en revue: le participe passé, l'étymologie, les anglicismes, l'Académie française, la grammaire scolaire, la glottophobie (discrimination par la langue), les émoticônes ou frimousses, le délirant s de tu parles, le génie de la langue... Ces chroniques, diffusées sur les ondes de France Inter, puis adaptées, se terminent chacune par "Le mot du pro", rubrique tenue par des linguistes, tels que Bernard Cerquiglini, feu Alain Rey et André Chervel.

Réformes

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron visent à désacraliser notre rapport à la langue. Ils appliquent trois propositions de réforme. "Parce qu'on aime vivre dangereusement et parce qu'après tout, qui nous en empêche?" D'abord, ils appliquent les rectifications orthographiques de 1990. "Ne soyez donc pas surpris par l'accord des noms composés ou la disparition de certains circonflexes, par exemple."

Ensuite, ils appliquent les recommandations du Conseil international de la langue française et du Conseil de la langue française et de la politique linguistique de Belgique concernant les accords du participe passé. En gros, on ne l'accorde plus quand il est employé avec l'auxiliaire avoir. D'ailleurs, cet accord a quasiment disparu de la langue orale. S'il était nécessaire, on devrait le faire à l'oral pour se comprendre. Le français n'existe pas est le premier ouvrage à appliquer ces recommandations, qui recueillent un assez large consensus chez les linguistes.

Écriture inclusive

Enfin, la langue de ce volume est inclusive ou égalitaire. Les auteurs ont choisi les propositions qui concilient le propos, le style, le confort de lecture et leurs valeurs.

Ces changements sont simplement proposés, insistent-ils. En ardents défenseurs de la vitalité de la langue française, ils souhaitent que les usagers se réapproprient leur langue en évitant le faux dilemme des positions extrêmes: ne rien changer ou tout accepter. On peut modifier l'orthographe sans pour autant écrire phonétiquement. On peut dépénaliser des pratiques d'accord sans tout permettre. On peut emprunter des mots à l'anglais à condition qu'ils s'intègrent à la prononciation et aux graphies françaises. On peut rendre les femmes plus visibles dans les textes sans ruiner la syntaxe et la grammaire.

Bref, leur credo, c'est la modération. Et leur conclusion prend la forme d'une déclaration d'amour aux spécialistes de la langue française qui accompagnent les chroniques, y compris à l'auteur de ce texte.


Michèle LENOBLE-PINSON

(*) Arnaud HOEDT et Jérôme PIRON, Le français n'existe pas (Le Robert, 2020, 160 p.)


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