Nouvelles de Flandre
L'indispensable sursaut des francophones de Flandre

Le sort des francophones de Flandre se jouera lors des négociations pour la constitution du prochain gouvernement. C'est au cours de ces négociations qu'apparaîtra la volonté politique des différents partis de reconnaître ou non une minorité francophone en Flandre.

Une fois de plus l'APFF prend les devants! Notre association a prié les différents partis politiques représentés au Parlement de répondre aux quatre questions suivantes:

  1. Dans les négociations pour la constitution d'un nouveau gouvernement, votre parti serait-il prêt à mettre sur la table la question de la reconnaissance de la minorité francophone en Flandre (et des autres minorités dans les autres régions, bien entendu)? Insisteriez-vous notamment pour que soit ratifiée la Convention-cadre?
  2. Estimez-vous que la signature d'un accord culturel entre les régions serait un moyen d'améliorer et d'approfondir les relations entre nos trois communautés?
  3. Etes-vous disposé à réclamer que les moyens financiers nécessaires soient mis à la disposition des associations culturelles francophones actives en Flandre pour assurer leur survie?
  4. Voyez-vous d'autres moyens pour garantir le maintien d'une vie culturelle francophone en Flandre?

Le premier parti à nous avoir répondu est le PS, par la voix de son président Elio Di Rupo et sa positon est très nette: oui le PS est décidé le cas échéant à mettre la question de la ratification de la Convention-cadre sur la table sans aucune réserve. Oui, le PS est partisan de la signature d'un accord culturel entre les trois communautés du pays. Oui, le PS souhaite permettre aux associations francophones en Flandre d'exister. Mais, la Cour d'arbitrage ayant considéré qu'une aide par la communauté française est anti-constitutionnelle, le parti doit respecter la loi. Enfin, "il faut faire comprendre aux dirigeants flamands que le soutien apporté à une activité culturelle francophone en Flandre ne met pas en danger ni son intégrité territoriale, ni son autonomie culturelle".

Bien entendu, le FDF par la voix d'Olivier Maingain dit attendre "de l'ensemble des partis francophones qu'ils confirment leur engagement à respecter la définition des minorités nationales donnée par la résolution n° 1301 (NDLR: du Conseil de l'Europe )". Le FDF estime que "la politique flamande en matière culturelle, basée sur l'application du principe de territorialité, constitue un frein à la conclusion d'un accord culturel. Un tel accord ne peut avoir de sens que si la Flandre (...) reconnaît à la Communauté française le droit de subsidier sans entraves des associations francophones en Flandre, dans le sens de la Convention-cadre. (...) La Communauté française doit intervenir de manière active pour garantir la vie culturelle, sociale et sportive des Francophones où que ceux-ci soient domiciliés".

Le FDF est, rappelons-le, l'un des partis fondateurs du Mouvement réformateur, dont le chef de file est Louis Michel, actuel ministre des Affaires étrangères. Or, dans une interview récente qu'il a accordée à La Libre Belgique (06/01/03), Louis Michel a déclaré que si la ratification de la convention est importante, il ne faudrait pas, le cas échéant, l'échanger contre une régionalisation des soins de santé. "On pourra me reprocher d'être mauvais francophone, mais je préférerai préserver l'unité des soins de santé." Voilà qui a le mérite d'être clair!

Ecolo cherche les ouvertures dans la manière d'appréhender les relations entre les communautés. Ce parti estime que la Belgique se doit de ratifier la Convention cadre. Et, selon Ecolo, la question de défense des minorités dépasse la problématique des francophones de la périphérie. Les "Verts", rappelant leurs liens privilégiés avec Agalev, le parti frère flamand, déclarent que "le dépassement du clivage communautaire est autant une question de droit que de bonne volonté réciproque". Nos deux grandes communautés n'ont toujours pas réussi à conclure un accord global en matière culturelle et cela uniquement parce qu'on se heurte au principe dit de "territorialité". Or, Ecolo estime que l'arrêt rendu le 3 octobre 1996 par la Cour d'arbitrage ouvre une perspective intéressante en reconnaissant le droit à exercer une promotion culturelle sur le territoire d'une autre communauté, ce droit s'arrêtant là où il pourrait contrarier la politique culturelle de cette autre communauté. Pour Ecolo, les Communautés française et flamande "se trouvent dans une situation juridique éclaircie afin de négocier, dans le cadre d'un fédéralisme adulte, un accord de coopération cadre en matière culturelle". Ecolo est disposé à "réclamer que les moyens financiers nécessaires soient mis à la disposition des associations culturelles francophones actives en Flandre pour assurer leur survie".

Du côté de la Flandre

Du côté flamand, nous avons enregistré la réaction du CD&V (ancien CVP). Ce parti "ne voit pas la nécessité de reconnaître la minorité francophone en Flandre". Demander la reconnaissance de minorités dans les régions procède d'une logique de séparatisme que le CD&V rejette. Il n'y a aucun problème pour la signature d'accords, culturels ou autres, entre les Communautés. Mais "nous n'acceptons pas une francisation plus étendue de certaines parties de la Flandre". Il faut s'en tenir aux principes rappelés par la Cour d'arbitrage.

La réponse d'Agalev va dans le même sens. Ce parti estime que la reconnaissance d'une minorité francophone en Flandre serait contraire à la logique de l'Etat fédéral belge. La question de la reconnaissance d'une minorité ne peut faire l'objet d'une négociation. Quant à la ratification de la Convention-cadre, elle ne peut avoir lieu que s'il y a un accord sur la définition des minorités nationales en Belgique. Un accord culturel serait une solution idéale. Mais les associations francophones devraient être subsidiées par la Communauté flamande: la Communauté française n'a pas à subsidier des activités francophones en Flandre.

Geert Bourgeois, président général de NVA (Nieuw-Vlaamse Alliantie), nous envoie avec ses "salutations flamandes", une réponse aussi brève que précise. "La Flandre a une seule langue officielle et c'est le néerlandais. Les Flamands ont entièrement le droit de défendre leur culture via les lois linguistiques, exactement comme le font les Francophones au Québec." (NDLR: les droits des anglophones sont au Québec, largement protégés.) Le NVA accepterait un accord culturel pour autant que la Communauté française s'abstienne de s'immiscer dans les affaires flamandes. Ce parti se prononce pour la suppression des facilités et l'arrêt de l'aide financière à l'enseignement dans une autre langue.

Les autres partis n'avaient pas répondu au moment où nous devions mettre sous presse. Avaient-ils l'intention de le faire ou leur silence témoigne-t-il d'un manque d'intérêt pour la question?

Il convient de rappeler ici que, dans un communiqué de presse commun des quatre partis francophones (du 19 décembre 2002), les présidents, qui affirmaient prolonger la mission d'étude confiée en 1997 aux trois professeurs d'Université francophones, refusaient "d'entrer dans tout débat institutionnel de type communautaire qui porte atteinte aux intérêts des francophones". Ils demandaient dans le même texte commun "l'application de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales conformément à la résolution 1301 du Conseil de l'Europe".

Nécessaire mobilisation

Une chose paraît tout à fait évidente: il est temps que les francophones de Flandre prennent leurs responsabilités, se manifestent et se mobilisent s'ils veulent éviter la disparition de la langue et de la culture françaises en Flandre.

Il est extrêmement grave que le silence des francophones de Flandre depuis des décennies soit dû avant tout à la peur d'avoir des ennuis. Crainte de subir les conséquences négatives d'être "suspect" de francophonie alors qu'on est membre d'une profession libérale ou qu'on travaille dans le secteur public.

Pour une part aussi, leur apparente placidité pourrait s'expliquer par le fait qu'ils se sont sentis abandonnés par les Wallons et les Bruxellois en 1963?

Peu importe! Le moment est historiquement crucial pour l'avenir de la francophonie en Flandre: un sursaut vital doit avoir lieu.

 

Marcel BAUWENS

 

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF

 

ANNEXES: Questions et texte intégral des réponses des partis politiques


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