Nouvelles de Flandre
En 1714, le français remplace le latin comme langue diplomatique et d'intercompréhension

Les traités entre les pays doivent être clairs et n'offrir aucune ambiguïté. C'est pourquoi ils ont longtemps été rédigés en une seule langue.

Un exemple célèbre d'ambiguïté due à l'existence de plusieurs versions linguistiques est la résolution 242 de l'ONU du 22 novembre 1967 imposant à Israël, à l'issue de la guerre des Six Jours, de se retirer "des" territoires occupés en français et "de" territoires occupés (from occupied territories) en anglais. Les autres versions linguistiques sont conformes au français, mais Israël a déclaré s'en tenir à la version anglaise.

Rastadt, premier traité en français

Les traités internationaux ont longtemps été rédigés en latin, lingua franca depuis le Moyen-ge, et c'est en 1714, à l'issue de la guerre de succession d'Espagne, avec le Traité de Rastadt, qu'on est passé au français, langue proche du latin, parlée dans de nombreux pays, notamment grâce à l'émigration qui a suivi la révocation de l'Édit de Nantes (1685).

Le français bénéficiait aussi d'une riche littérature. Voltaire et d'autres étaient lus partout dans le monde, et aujourd'hui encore, c'est en français qu'écrivent de nombreux écrivains dont le français n'est pas la langue maternelle. Tous les deux ans, l'un d'entre eux est couronné par un prix que décerne le club Richelieu International Europe.

L'année du Traité de Rastadt, 1714, est aussi l'année où Georges 1er a accédé au trône de Grande-Bretagne, et c'est en français qu'il s'adressait à ses ministres. La devise de l'Angleterre (Dieu et mon droit, vers 1415), celle de l'ordre de la Jarretière (Honni soit qui mal y pense, 1348) et celle des Pays-Bas (Je maintiendrai, 1815) sont toujours rédigées en français en 2021. En 2016, une pétition a été initiée pour supprimer la devise en français des passeports britanniques, mais sans succès.

Le français, langue d'intercommunication

À l'époque du Traité de Rastadt, 1714, le français était déjà la langue d'intercommunication en France entre les langues régionales, et au XIXème siècle, le français a rempli le même rôle en Belgique entre les Flamands, les Limbourgeois, les Picards, les Wallons et les Germanophones.

Après la défaite française de 1763 contre les Anglais, le traité est rédigé en français. Il en va de même après d'autres défaites françaises, notamment après Waterloo au congrès de Vienne en 1815, et pour l'acte final de 1871 après la défaite de Sedan et la chute de Napoléon III. La conférence de Berlin sur l'Afrique, en 1885 est aussi en français. À l'issue de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, le traité de Portsmouth (septembre 1905) est lui aussi en français alors que ce n'est la langue d'aucun des belligérants. C'est que le nationalisme linguistique n'existait pas encore.

Il faudra attendre 1919 et le Traité de Versailles pour que cela change, avec un traité bilingue français-anglais, vu le nombre de pays anglophones engagés, y compris tous les dominions britanniques.

Aujourd'hui encore, au Vatican, les langues officielles sont l'italien (pour les documents civils de l'État de la Cité du Vatican), le latin (langue liturgique et langue juridique), le français (langue diplomatique du Saint-Siège - le Vatican est enregistré comme État francophone auprès des organisations internationales) et l'allemand (garde suisse).

Quant aux traités européens, ils sont un modèle de multilinguisme, mais pas les documents de travail, qui, malgré le Brexit, passent de plus en plus à l'anglais.


Michel DE GRAVE


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