Nouvelles de Flandre
Petit tour du monde de la francophonie (2/2)

Pour le 100ème numéro des Nouvelles de Flandre, nous avions retrouvé les acteurs de la francophonie qui nous avaient accueillis lors de nos reportages aux quatre coins du monde. Nous avons, avec chacun d'entre eux, évoqué 3 thèmes: - l'évolution de la place du français dans leur pays; - les projets qui les ont le plus enthousiasmés ainsi que - leurs attentes par rapport à la Francophonie institutionnelle. Nous vous proposons la suite de ces entretiens. En route vers le Laos, la Louisiane, la Russie, l'Arménie et l'Ukraine, pour une nouvelle série de témoignages.

Souvannapha Vongsay et Latdany Latmany - Laos
Département de Français, Université nationale du Laos

L'ambassade de France au Laos soutient des classes bilingues au niveau primaire et secondaire, dans quatre provinces du pays. Ce soutien comprenait auparavant la rémunération des enseignants, mais cette aide a été supprimée. Les parents doivent dorénavant, intervenir financièrement, mais tous n'en ont pas les moyens. Le nombre d'enfants inscrits est donc en diminution. À l'université, les effectifs sont en baisse aussi. Il y a peu de débouchés dans le monde des entreprises, qui valorisent bien plus les compétences techniques que la connaissance des langues étrangères.

Pour attirer plus d'étudiants, une nouvelle filière a été créée: une licence en français appliqué au tourisme. Un projet en collaboration avec l'université de Hanoï, des universités françaises et l'AUF. Wallonie-Bruxelles a également participé au projet en envoyant un spécialiste pour former les enseignants vietnamiens et laotiens. Cette filière permet de créer des liens indispensables entre les niveaux académique et professionnel. Elle ouvre des débouchés vers les métiers de guide-interprète mais aussi dans le domaine du marketing et de la conception de produits touristiques ainsi que dans l'horeca. Cette licence doit être obligatoirement complétée par une formation auprès de l'Office national du tourisme laotien.

Les attentes vis-à-vis de la Francophonie sont d'ordre professionnel. Il faut créer des emplois où le français est une valeur ajoutée et offrir plus de bourses d'études dans les pays francophones. Il y en a 3 pour la France alors que les Russes en donnent plus de 90 et les Chinois ou les Américains encore bien plus. La formation continue des enseignants est aussi indispensable. Les aides proposées par l'OIF, l'AUF, les pays francophones seraient plus efficaces si les projets étaient mis en commun.

Arnaud Leclercq &endash; Louisiane - Professeur de français

Bien que la Louisiane soit l'état le plus francophone des États-Unis, l'espagnol supplante tout à fait le français. De plus en plus, le bilinguisme anglais-espagnol est de mise, au niveau de l'affichage ou de l'administration. Malgré tout, il reste une vingtaine d'écoles d'immersion en français. Le CODOFIL* continue de promouvoir la langue française et d'offrir des postes d'enseignants. Plusieurs autres associations comme Asteur, Télé Louisiane, Nouveau Niveau, American journal of french studies proposent des activités pour stimuler l'apprentissage du français auprès des enfants ou des adultes. Enfin, il est intéressant de souligner que dans certaines écoles, des étudiants particulièrement motivés choisissent le français comme matière supplémentaire et payante.

Arnaud a proposé un projet intitulé " le français autour de moi " pour que ses élèves se rendent compte à quel point le français occupe encore une place importante dans la vie louisianaise. À chacun de repérer le plus d'inscriptions en français: noms de rues, de magasins, d'annonces, de petits textes écrits sur des vêtements, etc. Un projet enthousiasmant pour les jeunes, qui ont réalisé que le français n'avait pas disparu.

Le centre de la francophonie des Amériques est très dynamique et tente de consolider les liens entre les communautés francophones du continent américain. Il organise, entre autres, des concours dans les écoles. Il faudrait que ses activités puissent continuer à se développer. Autre aspect positif : depuis 2018, la Louisiane est devenue membre observateur de l'Organisation internationale de la Francophonie.

*CODOFIL, le Conseil pour le développement du français en Louisiane est une agence de l'État de Louisiane pour la promotion de l'usage du français au sein de la population.

Boris Vinôgradov - Russie - Historien

Boris a, depuis quelques mois à peine, obtenu à la Sorbonne, le grade de docteur en histoire économique contemporaine. Il a publié une thèse intitulée "l'industrie automobile française et la Russie de 1954 à 2014". Il est actuellement chercheur postdoctoral à l'université de Nantes, en France. Ses recherches l'ont quelque peu éloigné de Moscou puisqu'il vit à Paris depuis 2015, mais il garde de nombreux contacts avec ses amis francophones russes. Si les 11 antennes de l'Alliance française en Russie continuent de proposer des activités en français, il semblerait, cependant, que leur nombre soit en baisse ainsi que les bourses offertes pour étudier en France. Par contre, "La table moscovite" qui, deux fois par semaine, rassemble autour d'un verre, les jeunes qui veulent discuter en français, remporte toujours un très vif succès.

Le site "la Russie francophone" reste le plus beau projet francophone initié, en 2014, par Boris et quelques collaborateurs. Même si la fréquence des publications a baissé, ce magazine en ligne attire les francophones qui souhaitent obtenir des informations sur l'actualité économique, culturelle ou touristique de Russie. Il est aussi destiné aux franco-phones et francophiles de Russie et à tous ceux qui s'intéressent à la culture française et aux relations franco-russes.

La Russie n'est pas membre de l'OIF. Cependant, en Russie, la langue française reste une langue de prestige, de culture. Les instances françaises, avec leur réseau d'Alliances et Instituts culturels ainsi que les ambassades d'autres pays francophones sont les seules sources d'accès à des activités en français.

Vartouhi Petrossian - Arménie - Faculté des Relations internationales

Le pays sort d'une guerre qui a coûté la vie à plus de 5.000 jeunes hommes, dont certains étudiants de l'université. En plus, une importante crise politique déstabilise le pays. Dans ce lourd contexte, la francophonie résiste, même s'il faudrait, dans le cas de l'Arménie, plutôt parler de francophilie. On apprend le français principalement dans le but de trouver, plus facilement, un emploi. Le "club des jeunes diplomates" organise toujours ses "jeudis politiques". En collaboration avec le ministère de Affaires étrangères, pour faire connaître les enjeux de la dernière guerre, les jeunes ont traduit des articles de la presse francophone en arménien et inversement. Une façon de mieux faire comprendre les positions des uns et des autres.

Les contacts avec l'étranger sont très importants. Ils permettent d'avoir un regard venant de l'extérieur du pays. L'association Solidarité Protestante France Arménie (SPFA) organise des voyages en Arménie pour des francophones, le plus souvent Français, ou accompagne des voyages d'études au niveau de l'interprétation ou la traduction. Ce sont de véritables occasions d'enrichir ses connaissances et expériences grâce à de riches échanges.

Les pays francophones devraient investir plus en Arménie. Cela offrirait des opportunités d'emploi pour les jeunes Arméniens qui parlent français. Après le Sommet de l'OIF à Erevan en 2018, les attentes étaient fortes. Or, la Francophonie ne s'est pas impliquée lors de la guerre avec le Haut-Karabakh et n'a pas condamné l'agression. Elle n'a pas fait une seule déclaration de soutien politique alors qu'un de ses membres était attaqué. Pendant ces 44 jours de guerre, les Arméniens se sont sentis bien seuls.

Tatiana Burmistenko - Ukraine - Université de Kiev

Avec le confinement, il y a une forte demande de cours de français dans les écoles privées. En général, ce sont des adultes qui veulent apprendre la langue simplement pour le plaisir. Par contre, dans l'enseignement, la situation est bien différente. Dans les universités, les effectifs restent plus ou moins stables, mais dans le secondaire, la chute est drastique. Et cela ne va sans doute pas s'arranger puisque le gouvernement ukrainien envisage d'imposer l'anglais comme première langue étrangère. Les écoles actuelles spécialisées en français risquent donc de disparaître et à l'entrée à l'université, il n'y aura plus d'étudiants maitrisant le français.

En 2018, un festival de théâtre pour les élèves du secondaire a été créé, en marge d'un festival similaire déjà organisé pour les universités. Les élèves de différentes écoles du pays sont accueillis à Kiev, mais il est envisagé de faire tourner le festival dans tout le pays. De nombreux prix sont décernés par un jury composé de professionnels de la culture et de l'ambassade de France. Autre activité à succès: des formations pour les professeurs qui veulent animer des ateliers de théâtre, organisées en collaboration avec "10 sur 10", une association polonaise qui opère dans plus de 80 pays.

Les projets proposés par la Francophonie sont intéressants mais fort compliqués. Les démarches, par exemple, pour obtenir une bourse pour étudier dans un pays francophone sont fastidieuses. Souvent, cela décourage les étudiants, qui n'arrivent pas à remplir leurs dossiers. Par contre, fait très positif : depuis cette année, les ambassadeurs des pays francophones se sont unis pour multiplier les évènements culturels pour encourager la diffusion et l'apprentissage du français en Ukraine.


Propos recueillis par Anne-Françoise COUNET


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