Les musées d'Orsay et de l'Orangerie organisent une exposition consacrée à la "Période Renoir" de René Magritte, engagée à partir de 1943 jusqu'en 1947.

Magritte autrement

En général, lorsqu'on pense à Magritte, on songe à des images un peu austères, baignées d'une lumière froide, souvent habitées d'objets triviaux et de personnages anonymes au chapeau melon. Mais Magritte n'a pas toujours été ce peintre cartésien à l'humour froid et aux questionnements déconcertants.

L'exposition qui se tient à l'Orangerie du 10 février au 21 juin 2021 est la première à montrer de façon complète un chapitre des œuvres de Magritte encore largement méconnu et de confronter ses œuvres à celles d'Auguste Renoir qui l'ont inspiré. Une période où, en réaction à l'atmosphère sombre et funeste de la Seconde Guerre mondiale, Magritte se voit en prophète du bonheur et de la paix retrouvée: "... le beau côté de la vie serait le domaine que j'explorerais. J'entends par là tout l'attirail traditionnel des choses charmantes, les femmes, les fleurs, les oiseaux, les arbres, l'atmosphère de bonheur, etc. ... c'est un charme assez puissant qui remplace maintenant dans mes tableaux la poésie inquiétante que je m'étais évertué jadis à atteindre." écrit Magritte à Paul Éluard en 1941.

Le Surréalisme autrement

Magritte restera fidèle à ce style "solaire" jusqu'en 1947. Il multiplie alors les portraits de jeunes gens rêveurs, les somptueux bouquets de fleurs ou les champs foisonnants, tous teintés d'un ravissement solaire. Le peintre retrouve les roses de Signac, les orangés de Monet et s'inspire du charme et de la légèreté des scènes ensoleillées de Renoir.

Loin de la considérer comme une "passade", Magritte accorde assez d'importance à sa "Période Renoir" pour en faire le support d'un projet de reforme en profondeur du Surréalisme, qu'il juge trop systémique. C'est la raison pour laquelle il adresse, en octobre 1946, à André Breton son "Manifeste pour un Surréalisme en plein soleil".

La fin de non-recevoir qu'oppose André Breton à ce programme de rénovation du Surréalisme pousse Magritte à abandonner la "Période Renoir" et à se tourner ensuite vers une "Période Vache", nourrie de portraits grotesques au ton résolument cynique et provocateur.

L'exposition réunit une soixantaine de peintures et une quarantaine de dessins. Elle s'ouvre sur quelques œuvres de la fin des années Trente dans lesquelles Magritte exprime l'imminence de la guerre et de désastres. Les tableaux de la période "Renoir" de Magritte sont mis en regard avec des chefs-d'œuvre de Renoir, des peintures contemporaines de Picabia et d'autres pièces, notamment de Jeff Koons, qui permettent d'esquisser une postérité à cette production peu connue.

Etienne SANDEVOIR

Informations: https://www.musee-orangerie.fr