Nouvelles de Flandre
Droits humains: La Belgique maîtrise-t-elle le processus de l'Examen périodique universel de l'ONU?



Genève, Palais des Nations

Dans quelques mois, le 5 mai 2021, la Belgique passera son troisième Examen périodique universel (EPU). C'est un processus unique en son genre, mis en place par l'ONU, au cours duquel les réalisations des États membres en matière de droits humains sont passées en revue.

C'est l'occasion pour chaque État membre de l'ONU de présenter les mesures qu'il a prises pour améliorer la situation des droits humains sur son territoire.

L'examen est fondé sur trois sources d'information: un rapport présenté par l'État examiné; un résumé des recommandations et des observations de l'ONU et un résumé des informations fournies par la société civile et par l'Institution nationale des droits de l'Homme (INDH) pour autant que le pays dispose d'une telle institution.

L'examen se déroule en deux étapes. La première étape consiste en un dialogue interactif avec l'ensemble des États membres. La seconde étape, qui a lieu quelques mois après le dialogue interactif, permet à l'État examiné de clarifier sa position par rapport aux recommandations qui lui ont été faites par les autres États. Lorsqu'il accepte une recommandation, l'État examiné s'engage à la mettre en œuvre pour l'examen suivant.

Le cycle de l'EPU étant d'environ cinq ans, chaque État dispose, entre deux examens, de quatre ans et demi pour assurer le suivi et la mise en œuvre des recommandations et des engagements issus de l'EPU précédent. De plus, les États sont encouragés à présenter un bilan à mi-parcours.

Le rôle de la société civile

Le rôle de la société civile est primordial tout au long du processus de l'EPU, que ce soit au niveau du rapport national, du suivi des recommandations et, évidemment, à l'occasion des rapports alternatifs qu'elle peut envoyer à l'ONU.

Lors du deuxième Examen périodique universel (EPU) de la Belgique, en 2016, notre ministre des Affaires étrangères de l'époque, Didier Reynders, a multiplié les effets d'annonce au sujet de l'implication de la société civile dans la défense des droits de l'Homme.

Dans le rapport que notre pays a remis à l'ONU, on pouvait lire: "La Belgique est déterminée à s'acquitter pleinement de ses obligations dans le domaine des droits de l'Homme et à améliorer ses mécanismes nationaux chargés d'assurer un suivi dans ce domaine. Elle s'engage également à continuer d'établir les rapports destinés à tous les mécanismes des droits de l'Homme, notamment à l'Examen périodique universel, dans les délais impartis et à coopérer avec ces mécanismes. La participation des organisations de la société civile à ce processus demeurera une priorité essentielle".

Au cours de l'examen proprement dit, début 2016, Didier Reynders soulignait que "la Belgique a une longue tradition de collaboration avec la société civile". Et de préciser que "si la collaboration est intensive, il est clair qu'elle est toujours perfectible. Nous avons pris note des remarques de la société civile sur l'approche belge en vue de la rédaction du rapport de la Belgique au titre de l'Examen périodique universel et nous ne manquerons pas de voir avec toutes les autorités concernées comment améliorer encore le processus dans le futur. Lors du suivi de la session du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel, nous ne manquerons par ailleurs pas d'engager un dialogue constructif avec la société civile".

Des engagements non respectés

Forte de ces engagements répétés, doublés de l'acceptation par la Belgique de la recommandation de la Pologne d'"associer la société civile au processus de suivi et de mise en œuvre des recommandations issues de l'EPU", l'Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF) se demande pourquoi la Belgique n'a pas respecté ses engagements.

Il aura fallu attendre plus de trois ans et demi avant que le SPF Affaires étrangères n'organise, le 19 décembre 2019, une session d'information et de dialogue avec la société civile au Palais d'Egmont. L'APFF, qui a participé à la réunion, regrette vivement que cette réunion ait été la seule et unique réunion de suivi à laquelle les acteurs de la société civile aient été invités à participer depuis le débriefing d'avril 2016.

Compte tenu du fait que cette session d'information était programmée en fin de cycle, elle n'avait plus de raison d'être, si ce n'était de permettre à la Belgique de dire au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU que la société civile avait été consultée. Cette réunion aurait dû être organisée au cours du premier semestre 2018 pour que la Belgique puisse remettre son bilan à mi-parcours dans les temps. Le SPF Affaires étrangères ne nous avait-il pas affirmé que la Belgique ne laisserait pas passer l'échéance du bilan à mi-parcours ?

Selon nous, la réunion du 19 décembre 2019 aurait plutôt dû être consacrée à la consultation de la société civile dans le cadre de la préparation du rapport que la Belgique doit remettre à l'ONU, le 1er février 2021, pour son prochain EPU. Or, une fois de plus, la société civile n'aura été consultée qu'une seule fois, en visioconférence, le 12 janvier 2021, en fin de parcours, limitant ainsi son rôle à cautionner un rapport rédigé exclusivement en interne. Ce n'est pas acceptable.

En consultant les rapports nationaux des pays les mieux placés au niveau de l'indice de démocratie, par The Economist, on constate que ces pays ont mis en place toute une série de dispositifs pour assurer un maximum de transparence lors de la rédaction de leurs rapports : mise en ligne de projets de rapports ; annonce des réunions via les sites internet des ministères; consultation à large échelle de la société civile; publication des observations de la société civile en annexe des rapports, comme le font le Canada et la Suisse.

Un projet de rapport comportant de sérieuses lacunes

A la lecture du projet de rapport de la Belgique, l'APFF s'étonne que pas un mot n'est dit à propos de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ou du Protocole n°12 chargé de lutter contre toute forme de discrimination. La Belgique a pourtant accepté la recommandation des Etats-Unis de "poursuivre les efforts faits pour lutter contre la discrimination et soutenir les efforts d'intégration des membres des minorités". Ayant accepté cette recommandation, la Belgique se devait de la mettre en œuvre.

De plus, le Parlement européen, dans sa résolution de 2018 sur la protection et la non-discrimination des minorités dans les États membres de l'Union européenne, "engage tous les États membres à signer, à ratifier et à assurer l'application de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, du protocole nº 12 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires". La moindre des choses aurait été que la Belgique fasse le point sur l'état de la ratification de ces traités internationaux.

Pas un mot non plus sur le fait que le futur Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, l'INDH belge, créé par la loi du 12 mai 2019, ne traitera pas des plaintes individuelles. Alors que le Comité des droits de l'homme (CCPR) a recommandé à la Belgique de donner à l'Institut "un mandat global et tous les moyens nécessaires afin d'accomplir pleinement son mandat, y compris la possibilité de recevoir des plaintes". Le Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels (CESCR) s'est, quant à lui, dit "préoccupé par le fait que le mandat de l'Institut fédéral des droits de l'homme est, pour l'instant, limité au plan fédéral et par l'absence de compétences à recevoir des plaintes individuelles".

Pas un mot, enfin, sur le fait que l'organe compétent pour traiter des discriminations linguistiques n'a toujours pas été désigné, plus de 12 ans après l'adoption des lois antidiscrimination de 2007.

Bref, un projet de rapport assez décevant et un manque réel de collaboration avec la société civile, comme l'a dénoncé l'APFF lors de la visio-consultation organisée par les Affaires étrangères. La Belgique ne devrait-elle pas montrer l'exemple alors qu'elle est candidate à un siège au Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour la période 2023-2025 ?


Edgar FONCK


Visio-consultation de la société civile, 12/01/2021


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