Nouvelles de Flandre
Coup d'oeil sur la francophonie belge

Le Royaume de Belgique est affilié à l'Organisation internationale de la Francophonie depuis 1970, année de la fondation de ce qui était, à l'époque, l'ACCT. En 1980, après la transformation de la Belgique en État fédéral, la Fédération Wallonie-Bruxelles est devenue, à son tour, membre de l'OIF.

Combien de francophones en Belgique?

La Wallonie et Bruxelles comptent aujourd'hui 4.800.000 francophones, auxquels il faut ajouter ceux de Flandre, au moins 350.000, qui vivent principalement autour de Bruxelles et aussi à Gand, à Anvers, à Louvain et à la Côte. Pour l'Observatoire de la Langue française, le nombre total de locuteurs de français, en Belgique, dépasse les huit millions, sur un total de onze millions cinq-cent-mille personnes. Bien sûr, sont aussi pris en compte les Belges bilingues, ceux qui ont le français comme langue seconde et ceux qui le maitrisent, même si ce n'est pas leur langue maternelle. La Belgique est sans conteste un pays très francophone.

Depuis quand les Belges parlent-ils français?

Félix Rousseau, historien namurois, écrivait ceci: "Dès le 13e siècle le français est adopté partout en Wallonie (qui appartenait à l'empire germanique). C'est le fait capital de l'histoire intellectuelle de la Wallonie, sans aucune contrainte, de leur pleine volonté, les Wallons sont entrés dans l'orbite de Paris."

Le peuple a néanmoins continué à parler le wallon ainsi que le picard, à l'extrême ouest, et le lorrain, en Gaume, des variétés de la langue d'oïl, tout comme le normand ou le bourguignon, par exemple. C'est le mélange et l'interaction de ces parlers d'oïl qui ont produit le français à mesure qu'il devenait la langue de la Cour et des plus hautes institutions du Royaume de France.

Quel est-il, le français de ces Belges?

On peut raisonnablement parler d'une variété "français de Belgique", comme il existe des variétés de Suisse, du Canada, du Québec, du Maghreb, d'Afrique noire, etc. En Belgique, il faut aussi faire la distinction entre le français parlé en Wallonie, une terre romane depuis toujours, et à Bruxelles, un territoire jadis de langue flamande, qui a toutefois commencé à se franciser dès le Moyen ge et, par la suite, très massivement, à partir du 19e siècle. Les "particularités lexicales" du français de Belgique - les belgicismes - témoignent de l'histoire de ces deux grands foyers francophones.

En Wallonie

Les wallonismes sont souvent des expressions dialectales qui ont survécu et se sont adaptées au français. Par exemple: être spépieux (méticuleux, pointilleux, maniaque), une rawette (un petit supplément, du rab), astruquer (avaler de travers, s'étrangler), abîye! (Vite, dépêchez-vous!), tomber faible (perdre connaissance), le maïeur (même origine que le maire), le bourgmestre.

En région bruxelloise et en Flandre

Les flandricismes sont des expressions flamandes (ou bruxelloises) que le locuteur utilise spontanément alors qu'il s'exprime en français. Elles sont familières: un zinneke (chien bâtard, corniaud) qualifie quelqu'un dont l'origine est incertaine. Un kot est un débarras ou un studio d'étudiant. Un ket (un gamin ou un individu effronté) le cousin du titi parisien. Un zievereer, un bavard, un tchatcheur. Un snul, un nullard, un zéro. Une couque, une brioche, une viennoiserie ; même origine que l'anglais cake, cookie. Sonner se dit aussi pour téléphoner. On notera également l'absence du mode subjonctif, ainsi que des tournures influencées par la syntaxe germanique : *Dis-moi ce que tu as besoin.

Une langue conservatrice émaillée d'archaïsmes

C'est un des grands traits du français de Belgique : des termes disparus du français "central" qui ne survivent qu'à la périphérie, dans des provinces éloignées de Paris, en Suisse romande, au Canada et chez nous. Comme nos fameux septante et nonante, vestiges de la numération décimale latine. On les retrouve, qualifiés de "régionalismes", dans l'Est et le Sud de la France. En Suisse, ils sont officiels, comme en Belgique. Le français de Suisse a même conservé la forme "huitante" (latin: octoginta).

Quand un Belge dit "Il fait cru, dans cette maison", il entend "Il fait froid et humide". C'est une vieille expression qui ne survit plus que çà et là, notamment en Belgique et au Canada.

Les noms des repas, déjeuner, diner, souper (comme au Canada) témoignent aussi du conservatisme de la langue.

L'emploi des verbes "savoir" et "pouvoir" ne suit pas l'usage central. En Belgique, "On ne sait plus lire s'il fait sombre", "On ne sait plus marcher quand on est fatigué"... Plus qu'un flandricisme, c'est probablement le maintien d'un usage ancien.

Argot scolaire, statalismes et choix différents

D'autres spécificités apparaissent aussi dans l'argot scolaire: brosser les cours / les copions / une latte / le journal de classe / une fourche...

L'administration belge a parfois créé son propre langage, "les statalismes", mot qui est lui-même un belgicisme: le ring, c'est le périphérique ou la route de ceinture. Un kern, mot néerlandais (noyau), une réunion ministérielle restreinte. Le bourgmestre, l'échevin, la commune, sont des archaïsmes.

Pour des concepts semblables, le français de Belgique choisit parfois des expressions qui s'écartent légèrement de celles du français de référence: du pain "tranché" sera, ici, simplement "coupé", et l'assiette pour la soupe, sera "profonde" au lieu d'être "creuse".

L'accent - ou les accents - belge(s)

Notre français se distingue aussi par la prononciation. Par exemple, nous ignorons la semi-voyelle "ü", toujours remplacée par "w": le mois de juin se dit comme un joint; lui comme Louis. Autre exemple, nous prononçons le o, en finale, comme de l'or, très ouvert, alors qu'en français de référence, il est toujours fermé: un pot, un sot, riment avec la peau, un seau.

Ce qui caractérise le plus l'"accent belge", c'est une mélodie particulière due à l'accentuation du début des mots, comme dans les langues germaniques. Par exemple, on entendra: un CInéma, le GOUvernement. La première syllabe étant articulée plus fort que le reste du mot, alors que l'accentuation française fait exactement l'inverse: un cinéMA, le gouverneMENT.

C'est typique de la prononciation bruxelloise, car cela s'entend rarement en Wallonie. C'est pourtant ce qui fait le pittoresque de "l'accent belge", pour les autres francophones. Les accents de Wallonie étant perçus comme des accents régionaux français.


Robert MASSART


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