Nouvelles de Flandre
Les francophones face à leur image

"Les francophones sont-ils moins doués ou moins motivés que d'autres groupes linguistiques pour l'apprentissage et la pratique des langues étrangères?". C'est la question de départ de l'étude intitulée "Les francophones face à leur image" (1). Et la réponse y est donnée par le résultat d'une série d'entretiens où transparaissent les idées courantes sur le sujet. Le résultat fournit une image véhiculée qui ne correspond pas nécessairement à la réalité.

Une chose est évidente: "les compétences plurilinguistiques des francophones sont très largement jugées à partir de leurs compétences en néerlandais."

On évoque fréquemment un handicap physique des francophones: leur "spectre phonatoire", leur "gamme de fréquences sonores" seraient plus restreints que ceux des membres des autres groupes linguistiques. Le français utiliserait des sons qui se situent dans la gamme 1.000 - 2.000 hertz, tandis que le néerlandais utiliserait des sons se situant entre 500 et 3.000 hertz.

On véhicule aussi des truismes du genre: on est plus motivé pour apprendre une langue prestigieuse qu'une langue peu valorisée. "Les Flamands seraient ainsi avantagés dans leur apprentissage du français, tandis que le faible prestige du néerlandais défavoriserait les francophones". Ou des observations concrètes comme le fait que le francophone qui apprend le néerlandais se heurte, dans la pratique, à l'usage général des dialectes en Flandre. Un problème auquel ne sont pas confrontés les Flamands qui apprennent le français.

L'influence des politiciens

"De nombreux intervenants insistent sur l'importance de l'attitude du personnel politique". Les francophones comme les néerlandophones reprochent à leurs représentants respectifs de les décourager dans l'apprentissage de l'autre langue en "donnant le mauvais exemple" de l'ignorance ou en se montrant agressifs à l'endroit de l'autre.

Les francophones se montrent aussi réticents en raison de revendications flamandes exprimées dans un climat d'hostilité. Et, du côté flamand, un rejet s'explique par la domination passée du français liée à une idée d'une "arrogance" francophone.

Ce n'est pas clairement exprimé dans les entretiens de l'enquête, mais le malentendu linguistique belge provient en grande partie de cette interprétation. Les francophones n'ont pas eu, dans le passé, d'intérêt à apprendre le flamand en raison de la faible dispersion géographique de cette langue. Ce qui n'a rien à voir avec un jugement de valeur négatif sur le plan culturel. Mais, du côté flamand, on a ressenti ce refus d'apprendre une langue géographiquement restreinte comme un dédain pour le peuple de Flandre et sa culture. De là le leitmotiv évoqué de la "Franse arrogantie".

L'impératif économique

"Le progrès des francophones en langues est massivement expliqué" d'une part par l'internationalisation de l'économie et d'autre part, au niveau national, par la vitalité de l'économie flamande, l'importance du marché flamand et donc par les exigences des entreprises en matière de connaissance des langues. Les francophones s'adaptent en fait aux nécessités du marché de l'emploi. Mais, dans le monde des entreprises, c'est la connaissance pratique et les nécessités de la communication qui importent plus que la connaissance tout à fait correcte de la langue. "L'accent sur la conversation va de pair avec une mise à distance de l'univers de la langue écrite: l'écriture pour elle-même n'est pas jugée essentielle; la grammaire et la connaissance linguistique du code écrit semblent accessoires."

Il apparaît ainsi nettement un hiatus entre l'enseignement scolaire traditionnel, transmettant les données linguistiques traditionnelles (grammaire, respect de l'orthographe et de la syntaxe, littérature…) et le monde économique qui privilégie la volonté d'acquérir rapidement un simple moyen de communiquer fût-il linguistiquement imparfait. A tel ou tel diplôme de langues, l'entreprise donnera la préférence à un stage pratique, à des séjours à l'étranger, à une immersion linguistique.

Il faudra sans doute que s'ouvre un dialogue au sujet de l'enseignement des langues à l'école.

Une récente étude de TIBEM (Tweetaligheid in beweging. Bilinguisme en mouvement) indique que, parmi les parents francophones 63% "ne sont pas satisfaits de l'apprentissage des langues à l'école".La même étude révèle que "près d'un enfant sur deux en Wallonie complète l'apprentissage scolaire par des activités parascolaires, des séjours à l'étranger, des stages de langues… "

Néanmoins, "l'évolution favorable de l'enseignement des langues en Communauté française est une explication très répandue de l'amélioration des compétences plurilinguistiques des francophones."

Un autre acteur à prendre en considération: le multilinguisme des médias. "De très nombreux intervenants soulignent l'importance du rôle des médias pour la familiarisation avec la diversité linguistique: l'environ-nement médiatique des francophones est monolingue ( films doublés, interviews en français, quotas de chanson française…), alors qu'en Flandre, l'environnement médiatique est plurilingue (films en version origi-nale, interviews en d'autres langues sous-titrés…). Cet environnement plurilingue offrirait beaucoup d'avantages pour la motivation à l'apprentissage, la familiarisation avec les sons, le vocabulaire et la syntaxe des autres langues."

Conclusion: "la réflexion sur le plurilinguisme des francophones devrait certainement accorder une attention particulière à la politique des médias en Communauté française."

Exemple à suivre

"Les Luxembourgeois sont distingués parmi toutes les nationalités européennes pour leurs compétences plurilinguistiques. On signale qu'ils sont 'un cas à part', un 'modèle à suivre' en visant plus l'organisation plurilinguistique de l'enseignement au Grand-Duché que les caractéristiques culturelles de la population."

La grosse majorité des Luxembourgeois parlent, lisent et écrivent en français et en allemand aussi bien que dans leur propre langue luxembourgeoise. Evidemment, le "letzeburg" s'est trouvé en face de deux autres langues largement parlées, ce qui incitait à les apprendre.

 

Marcel BAUWENS

(1) "Les francophones face à leur image" de Bernadette Wynants, dans la collection Français & Société, Editions Duculot - Communauté française.  


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