Nouvelles de Flandre
"Minorité(s)", un petit livre qui voit très grand

Le problème du respect et de la protection des minorités se pose à l'échelon mondial. Il est urgent d'y répondre d'une manière systématique et structurée devant la menace d'une uniformisation envahissante. Le mouvement de mondialisation rend absolument nécessaire une réplique des minorités pour sauvegarder une indispensable diversité culturelle et se prémunir finalement contre une "pensée unique".

Dans son petit livre-pamphlet "Minorités"(1), Philippe Suinen, commissaire général du CGRI(2) et directeur général de l'AWEX(3) évalue avec lucidité cet enjeu international.

L'auteur constate d'abord et le regrette: la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ne mentionne pas explicitement le concept de minorité. C'est via la revendication du respect de ses droits individuels que le membre d'une minorité se fait entendre.

Au niveau européen, par contre, existe une "Convention-cadre" pour la protection des minorités nationales. Cette convention ne définit pas le concept de "minorité nationale", mais une recommandation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe cerne, elle, la notion.

C'est un groupe de personnes dans un Etat qui :

Les autorités européennes, observe l'auteur, entendent bien que la diversité culturelle soit "une source ainsi qu'un facteur, non de division, mais d'enrichissement pour chaque société".

Notre problème

Bien sûr, dès le moment où l'on évoque l'Europe, on ne peut s'empêcher de rappeler le problème belge. Le fameux rapport Nabholz fait apparaître qu'il existe, en Belgique, une minorité nationale - la population germanophone - et des minorités "régionales": les Francophones en Flandre et les Néerlandophones en Wallonie.

"C'est au niveau du 'local 'que sont enracinées les identités et donc, l'expression des minorités. Beaucoup de celles-ci ont compris que, face à une globalisation gommant les identités, elles avaient à prendre des couleurs plus vives… pour pouvoir être vues et exister."

"En Belgique", écrit Suinen, "certaines manœuvres visent à réduire les droits des francophones dans les communes à facilités, situées en région flamande ou, comme à Fourons, à revendre des logements communaux occupés par des francophones.

Cela ne sert à rien de se cacher la tête dans le sable : le problème des minorités existe bien et il faut donc faire du problème une solution."

"Pourtant, ne pas aborder le problème, ne pas entrer en négociation, camper sur le statu quo institutionnel, ne pas accepter la différence de l'autre et des autres… peut aboutir à des tensions et à la violence récurrente. Et les minorités sont fréquemment contrées par l'arithmétique majoritaire, à défaut de règles internationales contraignantes."

Chez nous, nous devrions nous pénétrer de cette règle générale qu'énonce l'auteur: "La grandeur, la sagesse, mais aussi l'intérêt des majorités tiennent en la coexistence harmonieuse avec les minorités: ce qui induit une reconnaissance de leurs spécificités - de leur être - et d'une autonomie de politique dans les domaines les traduisant, comme la culture, cette représentation que l'on a de soi et du monde". "Dans la boîte à outils institutionnelle de la protection des minorités, il faut toujours prévoir des vases communicants afin d'équilibrer autonomie et intégration." Quel conseiller politique sagace se découvre dans ce livret…

La santé du monde

Après avoir rappelé que la francophonie internationale est "également concernée par le débat", l'auteur relève les propos tenus à la Conférence des ministres francophones à Cotonou le 15 juin 2002, qui "induisent naturellement une attitude favorable et un soutien actif de la francophonie aux minorités, particulièrement celles de même langue comme en Belgique, en Italie, en Louisiane… ou à Pondichery".

Pour en revenir à la situation mondiale, soulignons ce mot d'ordre lancé par l'auteur (avec un clin d'œil) : "Minorités de tous les pays, unissez-vous!" Il s'en explique (plus sérieusement) en ces termes: "Pour la santé du monde et la création d'une nouvelle génération de droits collectifs, il est important d'explorer trois axes bien complémentaires concernant les minorités. Il s'agit de rendre plus larges géographiquement et plus contraignantes les dispositions existantes, de faire du fédéralisme un principe général et de constituer une véritable institution internationale , représentative des minorités."

Et d'ajouter: "Pour ce qui concerne le règlement des conflits, il faut oser l'idée de cour internationale des minorités. Car qui, sinon une juridiction indépendante, pourrait décider s'il y a, cas par cas, violation ou non du droit international des minorités?"

"Minorité(s)" a les qualités qu'il faut pour intéresser une... majorité de lecteurs!

 

Marcel BAUWENS

(1) Minorité(s), par Philippe Suinen, aux Editions Luc Pire, dans la collection Pierres de Taille
(2) Agence wallonne à l'exportation
(3) Commissariat général aux Relations internationales de la Communauté française


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