Nouvelles de Flandre
Jacques Mercier
Monsieur francophonissime

Jacques Mercier est un personnage à part dans l'univers médiatique belge francophone.
Un véritable touche-à-tout qui met un point d'honneur à placer la langue française au centre de toutes ses activités.

La poésie est ma grande passion

Journaliste, animateur de radio et de télévision, directeur de collection littéraire, écrivain, Jacques Mercier ne peut et ne veut cacher sa passion pour le mot. L'homme se délecte du terme juste, du mot rare, du sens caché ou insolite de certaines expressions mais sans jamais se donner des allures de précieux ridicule. "Je me suis toujours intéressé aux mots. C'est une véritable passion. J'aime fouiner à la recherche du sens, de l 'étymologie d'un mot pour tenter de le cerner au plus juste, de le goûter pleinement", explique avec sa voix si particulière l'homme multimédia. "Je me rends compte que je suis en train de faire ce qui m'a toujours plu. Je suis entré à la RTBF (radio télévision belge francophone) en 1963, et, depuis lors, malgré des activités qui pouvaient parfois apparaître à mille lieues de cette passion pour les mots, je n'ai jamais cessé d'écrire et de lire. C'est un exercice quotidien dont je ne pourrais me passer."

Je suis devenu une sorte de porte-drapeau du gai savoir

Près de quarante années après ses débuts sur les ondes francophones belges, Jacques Mercier s'est imposé comme l'incontournable monsieur-langue-française du paysage audiovisuel de chez nous. "Je ne revendique rien et je ne suis demandeur de rien. Je n'ai jamais mené ma carrière pour en arriver là. C'est le temps, cette passion jamais démentie pour la langue française, une dose de chance et la rencontre avec celle qui partage mes jours qui m'ont amené là où je suis." Mais il y a tout de même un style Jacques Mercier. "On peut dire, tente-t-il d'expliquer hilare, que je suis devenu une sorte de porte drapeau du gai savoir. En plus, avec l'âge, mon passé et mon image, que personnellement je déteste, je peux apparaître comme un monsieur crédible lorsque l'on parle de cette langue française que j'ai toujours défendue. Mais je pense la défendre à ma façon, c'est-à-dire en jouant. J'aime jouer et je déteste me prendre au sérieux."

Serait-ce une des recettes de votre réussite? "Je n'aime pas parler de recette, parce que cela suppose préparation. On a l 'impression de mijoter attentivement quelque chose pour parvenir à ses fins, or ce n'est pas le cas. Bien sûr, je prépare toutes les émissions que je présente, par respect pour le public et parce que je ne pourrais envisager de travailler autrement. Mais, de nouveau, il n'y a pas d'autre constante que celle de tenter de s'amuser en essayant de faire plaisir au plus grand nombre et sans prendre le spectateur ou l'auditeur pour un pigeon.

Ainsi, si vous prenez l'émission 'Fort en tête', qui met en avant le patrimoine de nos régions, vous constatez que c'est un grand jeu qui permet à tout le monde de s'instruire en s'amusant ou de s'amuser en s'instruisant. Tout est question de perception. Les gens peuvent regarder cette émission soit comme un pur divertissement où ils savent qu'ils ont une chance de rire franchement, soit comme une initiation aux richesses culturelles de chez nous. Le gain est très secondaire. J'ai presque envie de dire, en regard de ce qui se passe ailleurs, que c'est quasiment miraculeux de parvenir à réunir autant de personnes autour du petit écran avec de tels ingrédients quand on voit certaines surenchères. En fait, en y réfléchissant bien, on se rend compte que le jeu est vraiment au centre de toutes mes activités. Même la poésie, qui est ma grande passion, est un jeu autour des mots."

Faire diligence...

Lorsque l'on creuse les raisons de cet attachement aux mots, Jacques Mercier replonge dans les premières années de sa vie passée à Mouscron dans ce "qui s'appelait alors la Flandre wallonne, explique notre homme. Mon père s'intéressait déjà beaucoup aux mots et il m'a heureusement contaminé. A l'époque, à Mouscron il n'allait pas de soi d'être compris quand on s'exprimait en français. C'est très certainement à partir de là que le sens des mots, l'importance du terme juste me sont apparus comme des évidences incontournables. C'est aussi à partir de cette époque que j'ai commencé à comprendre la beauté ou la richesse des mots. En parlant, l'expression 'faire diligence' me vient à l'esprit. C'est une expression banale mais qui possède une véritable richesse visuelle. C'est magique!"

Derrière le bateleur des ondes, on découvre aussi un amoureux passionnel de la poésie qui a commencé à composer des strophes à l'âge où beaucoup s'échinent encore à apprendre les rudiments de la conjugaison française. "J'avais 18 ans lorsque mes premiers poèmes ont été lus sur 'France Culture...' après avoir écrit un premier roman à 16 ans". Pour expliquer ces multiples dispositions, Jacques Mercier se contente d'un "j'ai différentes facettes. Quand je fais de la radio ou de la télé, je ne livre qu'une de ces facettes et relativement peu de personnes connaissent les autres aspects de ma personnalité. Je ne m'en plains pas, mon bonheur n 'est pas d'être reconnu. Mon bonheur c'est que grâce à ces multiples facettes, grâce à ces différentes activités je parviens à faire ce que j'aime et cela depuis des années. C'est une chance extraordinaire et je la savoure pleinement."

Drève...

Dans nombre de ses émissions, Jacques Mercier aime faire ]a part belle aux parlers de certaines régions, aux termes goûteux venus de contrées aussi épicées que lointaines. Le terroir est-il pour au tant une donnée importante pour notre "francofou"? "Évidemment! J'ai compris depuis longtemps qu'on ne pouvait être international qu'en connaissant sa propre langue. Il en va de même pour la culture. Venant de Mouscron, il me manquait certaines racines. Je me souviens du premier cours de français. Le professeur, d'origine flamande, parlait de le lune et la soleil. Ce jour-là, j'ai ressenti une profonde humiliation. Face à de telles lacunes, je comprends le travail des grammairiens qui œuvrent pour que l'on parle un bon français.

Mais ce n 'est pas parce qu'un académicien nous édicte certaines règles qu'il faut en oublier les belgicismes. C'est le cœur de ce que nous sommes, il faut les connaître, il faut savoir les apprécier. Regardez le mot drève : pour le dictionnaire, il s'agit d'un belgicisme signifiant allée bordée d'arbres. C'est un terme que je trouve remarquable et qui est bien plus joli que sa définition. Il faut le conserver. Le but des régionalismes, ce n 'est évidemment pas d 'être internationaux. C'est d'être compris par les gens du cru. En cela, je suis très heureux d'œuvrer au sein du conseil de la langue française. Là, avec d'autres, je me bats pour que cette langue ne soit pas figée, pour qu'elle évolue. C'est ce qui fait sa richesse et c'est ce qui montre qu'elle est vivante et en pleine forme. Elle doit correspondre aux accents de la rue mais sans démagogie. Il faut des règles, mais il faut pouvoir les faire évoluer. Les mots, c'est nous qui les faisons, c'est nous qui leur donnons un sens."

Jacques Mercier est intarissable. Le mot, il aime le pratiquer, le mettre en forme, lui faire violence parfois, mais uniquement pour les besoins de la bonne cause: le plaisir de partager une même langue et un même goût de la communication et du savoir.

 

Hubert LECLERCQ

Article paru dans le numéro 76 (octobre 2001) de la revue "Wallonie/Bruxelles" éditée par la Communauté française de Belgique et la Région wallonne.


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