Nouvelles de Flandre
La longue histoire du français au Canada

L'aventure du français en Amérique du Nord, et plus précisément au Canada, commence il y a plus de quatre cents ans! En 1534 déjà, Jacques Cartier navigue sur le Saint Laurent et prend possession des terres qui deviendront ultérieurement Québec et Montréal.

Ce n'est qu'en 1608, que Samuel de Champlain jette les fondations de la première ville française dans cette partie du monde: Québec considérée comme la capitale de la "Nouvelle France". Une "Nouvelle France" qui ne se peuple pas de Français, mais est une terre de Canadiens, en raison du fossé qui se creuse entre colons et habitants de la mère patrie.

La langue française pourtant se porte bien. Ceci est dû au fait que la plupart des émigrants français vers le Canada viennent du Bassin parisien. Et d'autre part, à l'arrivée massive des "filles du roi" jeunes femmes orphelines de bonne origine, bien instruites et dotées par le roi. Les colons se précipitent sur ces filles à marier: il y a à cette époque là-bas sept hommes pour une femme! Tous les auteurs de l'époque constatent qu'on parle au Canada un français très correct.

Rivalité entre Anglais et Français

Toutefois dans ces terres lointaines, la rivalité entre Anglais et Français est forte. La pêcherie, le commerce de fourrures et les terres agricoles sont autant de richesses convoitées. Les Anglais disposant d'une force numérique écrasante enlèvent Montréal et Québec durant la période 1760-1763. Les actes de capitulation des deux villes sont rédigés en français. Il en est de même du traité de Paris (1763) par lequel le Canada est cédé aux Britanniques. Le roi de France vient d'abandonner un véritable trésor.

A partir de là, les Canadiens français doivent, d'une manière permanente, défendre à la fois leur langue et leur religion catholique. Combat d'autant plus dur que les liens avec la France deviennent de moins en moins serrés. Cet état de choses a évidemment un effet sur l'évolution de la langue le parlé français est truffé de plus en plus de mots anglais et de mots nouveaux créés sur place et sans correspondance en France.

Néanmoins envers et contre tout le Québec résiste à l'anglicisation totale. Le français résiste avec opiniâtreté et en 1867, quand se crée la Confédération, la langue française se voit reconnaître un statut politique et juridique. Certains voient déjà le Canada parlant français et anglais d'un océan à l'autre. Peu à peu cependant la réalité s'impose de façon brutale. Non seulement le français n'a pas été placé à égalité avec l'anglais dans l'ensemble canadien, mais même au Québec où il devrait dominer, la Constitution a donné un statut d'égalité à l'anglais qui ne tardera pas à l'emporter sur le français. Les Canadiens français prennent graduellement conscience de leur situation sociale et économique peu reluisante; les affaires se brassent en anglais et les emplois favorisent les anglophones. On exige des Canadiens français un bilinguisme qui mène droit à l'assimilation.

La Constitution de 1867 rétablit l'usage du français au Parlement fédéral en abrogeant l'article 41 qui interdisait l'usage de notre langue et elle officialise l'utilisation du français devant les tribunaux. "Ainsi la longue période qui s'étend du milieu du 19e siècle jusqu'à 1960 a été témoin de percées, de reculs et de stagnation en matière de défense et de promotion du français tant au Québec qu'au Canada".

Très longtemps l'enseignement a été lié à la religion et celui du français au catholicisme. Mais dès le début du 20e siècle Rome considère que le Canada est devenu colonie britannique et que sa langue d'usage est appelée à devenir l'anglais. Le Pape par la voie de son délégué Monseigneur Francis Bourne, invite les francophones à adopter la langue de la majorité afin de devenir des propagandistes plus efficaces de leur religion. C'est à ce moment que Henri Bourassa, député libéral improvise une riposte restée célèbre qui cristallise le sentiment national des francophones.

C'est au cours de la seconde guerre mondiale (1940-1945) et après la guerre que se développe une période de prospérité économique dont vont profiter les canadiens français. De nouvelles élites francophones émergent d'une classe moyenne toute neuve et elles acceptent de moins en moins un statut de seconde zone pour leur langue sur leur propre territoire. "… Un nouveau phénomène intervient qui sortira l'élite de sa torpeur et l'amènera à sonner l'alarme: le préjugé selon lequel les Canadiens français parlent un french canadian patois que les anglais opposent au parisian french." On prête un nouveau nom à la langue populaire : le joual (déformation de "cheval"). Si les francophones du Canada ne parlent qu'un patois bâtard, il ne faut évidemment plus prendre leurs revendications linguistiques en considération.

Il est temps de réagir! Une lente reconquête du français va s'opérer à l'occasion d'une "révolution tranquille" (début des années 60) "Il saute aux yeux de tous que la langue de la majorité au Québec a un urgent besoin d'être rétablie et respectée dans son statut et dans sa qualité".

La loi 101

La situation actuelle du français au Québec est due à l'adoption de la "Charte de la langue française" (loi 101 - août 1977) dont l'initiateur et le défenseur fut Camille Laurin, à l'époque ministre d'Etat au développement culturel. Dans son préambule, la charte spécifie que l'Assemblée Nationale est "résolue à faire du français la langue de l'Etat et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires". Le législateur a voulu que le caractère français du Québec soit visible et tangible. C'est ce qu'on a appelé la "francisation du paysage québecois" visant l'affichage public et la publicité commerciale. "Les suites de la charte dans tous les domaines économique, politique, social et culturel ont été telles qu'on peut la considérer comme ayant provoqué une deuxième révolution tranquille".

La charte toutefois a subi plusieurs modifications, notamment en matière judiciaire, dans l'enseignement et en matière de publicité. La Cour suprême du Canada a estimé justifiée l'exigence de la présence du français dans la publicité commerciale et les raisons sociales, mais a déclaré anticonstitutionnel le fait d'exclure les autres langues. On est donc convenu que le français devait seulement figurer de façon nettement dominante! Bien entendu la pression anglophone continue de s'exercer et les québecois français doivent continuer leur combat. Ils en sont bien conscients, et par exemple, dès le début de la généralisation de la micro-informatique, une contre-attaque du français s'est développée avec succès. Et la loi 101 constitue une protection fondamentale dont on doute qu'elle puisse jamais être remise en question.

 

Marcel BAUWENS

Source: "Le français au Québec: 400 ans d'histoire et de vie", Conseil de la langue française, Editions Fidès et Les Publications du Québec.


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