Nouvelles de Flandre
1302: Les "Matines brugeoises" et la bataille des Éperons d'or

Aux petites heures de ce 17 mai 1302, la cité de Bruges était encore plongée dans la nuit, la brume montait des canaux et se répandait de ruelle en ruelle. On rêvait des fêtes passées: le roi de France, Philippe le Bel lui-même, était venu sceller à jamais son alliance avec les "leliaerts", partisans d'une Flandre plus proche de la France que de l'Angleterre. C'était sans compter avec le réveil des "klauwaerts" (allusion aux griffes du Lion de Flandre), le petit peuple et la petite bourgeoisie des villes flamandes: ils voulaient participer au gouvernement de leurs cités.

Les "matines brugeoises" débutent dans la nuit. La tradition rapporte que celui qui ne prononçait pas correctement ces mots : "schild en vriend" (bouclier et ami) était considéré comme ennemi. La garnison française fut ainsi massacrée en plein sommeil. Le gouverneur Jacques de Châtillon n'eut que le temps de fuir, abandonnant 1500 morts et 100 prisonniers. Il trouva refuge derrière les murs de Courtrai où se regroupèrent les troupes de Guy de Namur, fils du comte de Flandre.

Philippe le Bel se doit d'intervenir. Le 8 juillet son ost campe dans la campagne aux abords de Courtrai. La confrontation sera rude. Venus d'Artois, de Picardie, Normandie, Champagne et Flandre (les leliarts), les chevaliers français amènent les gens de leur "maison": les arbalétriers et les fantassins sous le commandement de Jacques de Châtillon et de Robert d'Artois.

Face à la chevalerie française, les fidèles du comte de Flandre, Roger de Lille, Didier de Hondschoote, Siger de Bailleul, Gérard de Roubaix et bien d'autres, et les milices flamandes avec à leur tête Guy de Namur, Guillaume de Juliers, Jean de Renesse et des chevaliers accourus du Namurois, du Brabant et même d'Allemagne. Parmi les fantassins, tout un peuple venu de Gand, Bruges, Damme et des campagnes environnantes. La bataille qui s'engageait allait donc départager les tenants du roi de France. leliaerts contre klauwaerts. Les premières attaques commencent à l'heure du midi, le terrain est marécageux, coupé de fossés et de ruisseaux. La cavalerie française se trouve au centre du combat, essayant de rompre le front flamand protégé de plançons à picot (longues piques terminées par une pointe de fer: goedendags en flamand). Les flèches flamandes "obscurcissaient le ciel", frappaient chevaux et cavaliers qui tombaient emmelés dans la boue. "Tuez tout ce qui porte éperons!"

Robert d'Artois et Jacques de Châtillon sont touchés à mort, 68 princes et seigneurs et 1100 chevaliers périrent : 700 éperons d'or, tels des trophées, ornèrent les voûtes de l'église Notre-Dame de Courtrai. La bataille des Éperons d'or, toute l'Europe en entendra parler.

Un an plus tard, c'est à Mons-en-Pévèle que Philippe essaya de régler ses comptes avec les Flamands. Cent mille hommes se retrouvèrent engagés dans une bataille sans vrai vainqueur. Les Flamands y perdirent leur chef, Guillaume de Juliers. Le traité d'Athis-sur-Orge obligea Lille, Douai, Ypres, Gand et Bruges d'abattre leurs murs de défense. De plus Lille, Douai, Béthune, Cassel et Courtrai restaient entre les mains du roi de France.

Pendant des décennies encore, Flandre, Artois et Picardie seront ainsi partagés, divisés, rançonnés par leurs voisins, qu'ils viennent du sud, de l'ouest ou de l'est. Pour exprimer cette situation, les historiens ont inventé une expression: "Terres de débats"...

 

Jean CALLENS

Extrait de "Mille ans d'histoire dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie" paru à La Renaissance du Livre


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