Nouvelles de Flandre
Y-a-t-il un "bon usage" de l'internet ?

Où est le temps de la "bonne vieille machine à écrire" et celui de la "bonne vieille bibliothèque"?
Communiquer, oui, mais d'abord avec son voisin, avant le copain virtuel du fin fonds de l'Arkansas.
Ce sont deux des critiques les plus courantes entendues dans les conversations, mais aussi dans les journaux vis-à-vis de l'internet.
Qu'en est-il ?
Y aurait-il un "bon usage" de l'internet ?

Vaugelas, grammairien du XVIIe siècle fut le premier à employer l'expression « bon usage ». Son but n'était pas de fixer la langue française, mais de la "régler". Certes, il se référait pour cela à l'usage des auteurs qui avaient droit de cité à la cour royale et c'est pour cette raison que l'expression "bon usage" a des relents de norme.

Le terme a cependant survécu et Grevisse le reprit même pour sa grammaire.

Nous l'emploierons ici dans un sens plus commun et pas seulement en rapport avec la langue française. Notre but n'est pas non plus d'établir de nouvelles normes auxquelles devraient se soumettre les internautes, ni une morale propre à l'internet, mais bien d'attirer l'attention sur certaines chausse-trappes de cette nouvelle technologie.

Un monde encore mystérieux

Il faut l'avouer, l'internet reste encore un monde mystérieux pour beaucoup et malgré la croissance régulière de ses utilisateurs (en Belgique, le nombre des abonnés augmente régulièrement et le cap des 200.000 sites sera bientôt atteint), le nombre important d'endroits où l'internet est accessible, peu de "cybernautes" l'utilisent efficacement.

Il y a d'abord la toile (le web en anglais), espèce de grande bibliothèque mondiale où l'on peut trouver les renseignements les plus inattendus.

Il y a ensuite la messagerie électronique où les courriels (e-mails en anglais) s'échangent instantanément.

Puis viennent les groupes de discussion (newsgroups en anglais) où l'on peut échanger à propos des nains de jardin comme de la philosophie kantienne. Dans le même ordre, les chats autorisent les dialogues écrits en direct.

Ce sont les trois grands pans de l'internet mais il faut bien se rendre compte que tout cela permet non seulement une consultation rapide de ressources qu'on n'aurait jamais pensé pouvoir consulter il y a seulement cinq ans (la plupart des universités, par exemple, mettent à la disposition de tous, une série de données jusque là réservées à un monde restreint de chercheurs), mais, grâce à l'adjonction de l'image et du son, l'internet permet aussi le téléchargement d'images fixes ou animées et de musiques sous forme de fichiers numériques.

La toile

Y a-t-il un bon usage de la toile? Oui, assurément.

S'il faut parfois se méfier des informations transmises par les livres (erreurs grossières, informations périmées), il est nécessaire d'être encore plus prudent lorsqu'on consulte le "web". Pourquoi?

Les informations qui sont déposées sur un site internet ne sont contrôlées par personne, sauf par leur producteur. Cela permet donc à n'importe qui d'ouvrir un site et d'y faire paraitre les documents qu'il désire.

Nous sommes probablement contrôlés sur l'usage que nous faisons de la toile mais il n'y a pas un grand chef quelque part qui dirige la prolifération des sites, ni en contrôle la validité. Si cette formule s'apparente à une démocratisation de la culture et au partage des connaissances, elle a aussi son revers : des parents peuvent ouvrir un site pour vendre leur enfant, des dames, des hommes peuvent se dénuder sans vergogne, les néo-nazis peuvent proposer des colifichets divers et leur négationnisme. Il faut le savoir. Il faut être attentif. Mais je suis plutôt de ceux qui disent: "pas plus que dans la vie courante".

Dans les librairies de mon quartier et dans les kiosques que je croise tous les jours, des créatures très peu vêtues me montrent les détails de leur corps à n'en plus finir. Dans ma boite aux lettres, je reçois des brochures étalant des propos racistes avec arrogance.

La toile ne peut être autre chose que le reflet de la vie et propose inévitablement nos meilleurs côtés comme les plus sombres…

Ceci dit, je peux aussi admirer des photos superbes de nombreux jeunes photographes, me souler de poèmes de Verlaine ou vérifier en quelle année est né Richelieu…

Donc, comme la fameuse langue d'Ésope, la toile peut être la pire et la meilleure des choses. Comme toujours, tout est affaire d'éducation. Nous éduquons nos enfants et nos adolescents à faire la part des choses, à oser faire les bons choix dans la vie de tous les jours, dans la rue, avec les copains, dans les programmes télé, etc. La gestion de l'utilisation de l'internet n'échappe à cette exigence.

La messagerie électronique

Certains vantent les mérites du courrier traditionnel (la bonne vieille lettre écrite à la plume, envoyée dans une enveloppe enrubannée). Certes, cela a son charme, et vous confierai-je que j'y recours encore parfois?

Le courrier classique a encore de longues heures devant lui. Mais il faut bien avouer que le courriel, c'est terriblement pratique : extrêmement rapide et très peu couteux (un même message peut être envoyé à de multiples destinataires comme à un seul).

Je ne reçois pas moins de courrier dans ma boite en bois depuis que j'emploie la messagerie électronique. Mais un autre monde épistolaire s'est ouvert à moi : je puis maintenant informer en très peu de temps une liste de personnes que je sais être intéressées par le sujet traité, y joindre des annexes et même des photos; je suis dans quatre « listes de diffusion » où je retrouve quotidiennement des personnes de par le monde, intéressées par les mêmes sujets que moi.

Et le "bon usage", là-dedans? Très tôt, les utilisateurs de ce nouveau mode de communication qu'est la messagerie électronique ont éprouvé le besoin de mettre un peu d'ordre et ont inventé la "netétiquette", c'est-à-dire une espèce de charte d'utilisation comportant entre autres des codes écrits (les "smileys", parfois appelés "émoticons" en français). Le texte peut ainsi être émaillé de signes plus ou moins cabalistiques qui avertissent le destinataire des intentions de l'auteur ( :-) pour "content", :-(( pour "très mécontent", etc.)

De plus, de petites règles de politesse élémentaire sont proposées aux utilisateurs.

Dans ce domaine,aussi, il n'y a rien d'extraordinaire. Ces règles existaient déjà dans

le courrier traditionnel, de manière moins explicite, peut-être. L'introduction des "smileys" est probablement due au fait que la messagerie induit souvent des messages plus courts que la lettre classique et, dès lors introduit moins appel aux nuances qu'elles.

Enfin, il y a les courriels anonymes et les courriels publicitaires. Ces derniers ne sont pas plus nombreux que ceux qui encombrent régulièrement nos "vraies" boites. Nous pouvons même nous arranger pour les bloquer avant qu'ils n'arrivent dans notre ordinateur. Les courriels anonymes peuvent être plus nombreux car la technologie de l'internet favorise ce genre d'envois. Il m'est arrivé d'être harcelé également. Mais pas plus que par une compagnie d'assurances - dont je tairai le nom - qui ne me lâchait pas les baskets avec ses envois classiques.

Les groupes de discussion et les chats

Ces deux formules ont de fortes ressemblances avec la messagerie. Dans les groupes de discussion, on peut également rencontrer le meilleur comme le pire. L'essentiel est de sélectionner et d'aider les jeunes à le faire. Les sujets qui y sont abordés n'ont pas de limites et la plupart des serveurs permettent l'accès à des milliers de groupes (cela va de l'éducation aux fans d'un obscur rocker, en passant par les amoureux des abeilles et de la parapsychologie). Gare aux sectes évidemment!

Les chats, quant à eux, permettent le dialogue en direct. Le langage qui y est utilisé est particulier : les abréviations pullulent, l'orthographe y est approximative, souvent démentielle, les concepts véhiculés sont parfois totalement ésotériques, en tout cas, peu "inter-générationnels", c'est le moins qu'on puisse dire.

En conclusion

Tout nouvel outil (et particulièrement ceux qui assurent la communication) engendre de nouvelles formes de comportement et demandent un temps d'adaptation. Nous sommes en train de chercher à dominer les dérives potentielles et les difficultés de l'internet comme nous avons peu à peu intégré dans nos habitudes relationnelles le téléphone et la télécopie.

Lentement, mais surement…

 

Henry LANDROIT

Ce texte suit les recommandations orthographiques du Conseil supérieur de la langue française.
Article paru dans le Ligueur du 7 février 2001.


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