Nouvelles de Flandre
La place de la langue française dans les institutions internationales (2ème partie*)

Les décisions importantes pour la communauté des nations s'élaborent de plus en plus dans les enceintes internationales, car les problèmes majeurs dépassent souvent le cadre des Etats.
La préservation de la diversité culturelle et linguistique au sein de ces instances de décision est une condition nécessaire pour leur assurer un fonctionnement fondé sur le respect de la démocratie.
Or, cette diversité est menacée par le risque de monolinguisme qu'entraîne le recul de l'usage de notre langue dans les organisations internationales constaté depuis plusieurs années.

Le système des Nations Unies

La prééminence de l'anglais se confirme

Plusieurs indicateurs montrent que le français, même s'il bénéficie dans la quasi totalité des organisations onusiennes, du statut de langue officielle et de travail, a de plus en plus de difficultés à s'imposer comme langue de travail courante. A l'Assemblée générale, le nombre de délégations s'exprimant en anglais est passé de 74 en 1992 à 95 en 1999, celles s'exprimant en français passant dans le même temps de 31 à 26. La rédaction des documents originaux en anglais est presque systématique, aussi bien dans les organisations implantées à New York qu'à Genève.

Les difficultés du secteur de la traduction ont souvent pour conséquence un recours accru à des traducteurs indépendants et des retards dans la disponibilité des documents en français.

Le français recule également dans le domaine juridique, où il tend à devenir une langue de traduction dans les documents comme dans les discussions, ce qui contribue à renforcer la place du droit d'origine anglo-saxonne.

Enfin, dans plusieurs institutions, la présence de représentants de pays membres de la Communauté francophone ne joue pas suffisamment en faveur du français, souvent en raison d'une connaissance insuffisante de notre langue.

Ce bilan doit cependant être nuancé:

Les actions en faveur du plurilinguisme conduites par la France rejoignent les préoccupations de plusieurs organisations

Les représentations permanentes font preuve de beaucoup de vigilance en ce qui concerne le respect du statut du français. Elles sont également attentives aux exigences linguistiques liées au recrutement des fonctionnaires internationaux, afin d'éviter des situations de discrimination préjudiciables aux candidats francophones, ainsi qu'au positionnement des responsables français dans certains secteurs stratégiques pour la diffusion de notre langue et de nos concepts, en particulier les postes juridiques.

Le ministère des affaires étrangères propose différents modules de formation linguistique et administrative, que complètent les stages de perfectionnement linguistique mis en place par de nombreuses institutions. Il con-duit, aux côtés notamment du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ainsi que du ministère de la culture et de la communication, une réflexion sur les moyens, notamment humains, financiers et logistiques, d'améliorer la place du français dans les institutions internationales.

Face à la place grandissante de l'anglais, des mouvements en faveur du plurilinguisme se manifestent dans plusieurs organisations et prennent des formes diverses : résolution adoptée le 6 décembre 1999 par l'Assemblée générale des Nations Unies prévoyant la désignation d'un coordonnateur pour les questions linguistiques, réaffirmation en juin 1999 du principe de l'égalité des langues à l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (O.A.A.), création en 1998 d'un comité consultatif pour le pluralisme linguistique à 1'UNESCO, etc. Par ailleurs, de nombreux pays souhaitent que leur langue soit mieux reconnue. Ainsi, le Portugal a demandé que le portugais bénéficie du statut de langue de travail à l'O.M.P.I. Au Secrétariat général des Nations Unies, plusieurs délégations choisissent de s'exprimer dans leur langue nationale.

Les organisations non gouvernementales

La place du français y est plus fragile que dans les organisations gouvernementales où notre langue est protégée par son statut. Le volet linguistique de leur action appelle parfois une implication particulière des pouvoirs publics.

Ainsi, dans le domaine olympique, la France mène une politique volontariste et interministérielle, axée sur une coopération linguistique avec les comités d'organisation des Jeux. Cette démarche a porté ses fruits à Atlanta et Nagano. Elle a permis au français d'être très présent durant les Jeux de Sydney: le bilinguisme français-anglais a été respecté de manière très satisfaisante dans de nombreux domaines (les annonces lors des compétitions et des remise de médaille, la signalétique du village et des sites olympiques, le journal officiel du village olympique, le site de l'intranet, etc.) et un lexique français-anglais comportant 14.000 termes sportifs a été édité et largement diffusé aux acteurs du mouvement olympique.

Dans un tout autre domaine, le dixième congrès de la fédération internationale des professeurs de français, qui s'est tenu à Paris en juillet 2000 autour du thème «Diversité, solidarité et modernité», a mis en valeur la mission essentielle pour l'enseignement et la diffusion de la langue française dans le monde accomplie par les enseignants regroupés au sein de cette fédération.

L'action de la Francophonie

Plusieurs types de structures francophones, multilatérales ou associatives, présentes à New York, Genève, Bruxelles, Rome et Addis Abeba, permettent de renforcer la visibilité et la solidarité des pays membres de la Communauté francophone. En règle générale, les représentants de ces pays dans les institutions internationales travaillent et s'expriment en français quand ils ont la possibilité de le faire.

L'Organisation internationale de la Franco-phonie est désormais bien présente sur la scène internationale et son secrétaire général, Monsieur Boutros Boutros-Ghali, a mis au rang de ses priorités la promotion du plurilinguisme et le rapprochement avec les autres grandes aires linguistiques.

Confirmées à Moncton en septembre 1999, les orientations définies lors du Sommet de Hanoï en novembre 1997 sont suivies d'effet. L'affectation de jeunes experts francophones bénéficie à de nombreuses organisations où les besoins en appui technique et en présence francophones, en particulier dans les secteurs de la communication et des ressources humaines, sont très pressants. La formation de jeunes cadres issus de pays francophones à la fonction publique internationale est entrée dans son régime de croisière et constitue notamment un vivier pour les candidatures aux postes d'experts associés.

Enfin, le fonds d'aide à la traduction et à l'interprétation, géré par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, permet de renforcer l'usage du français dans les manifestations internationales qui se tiennent hors de France. Il complète le dispositif d'aide à l'interprétation simultanée pour les colloques se tenant en France mis en place par la D.G.L.F.

Le Sommet de Beyrouth, en 2001, qui a pour thème le dialogue des cultures, devrait renforcer encore l'engagement de la Francophonie pour la promotion du français et du plurilinguisme.

 

Ce texte est repris avec l'autorisation de Mme Anne MAGNANT, déléguée générale à la langue - Délégation générale à la langue française - 6, rue des Pyramides - 75001 Paris - France (http://www.dglf.culture.gouv.fr).

*N.D.L.R.: La première partie de cet article a été publié dans le numéro précédent des "Nouvelles de Flandre" et traitait de la diversité linguistique dans les institutions de l'Union européenne. Pour plus de clarté, nous en avons repris l'introduction.


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