Nouvelles de Flandre
Petit dialogue pour illustrer les conditions de la vie littéraire en Belgique

L'auteur (belge): Monsieur l'Éditeur, j'ai mis la dernière main au petit ouvrage que voici. Je compte que vous l'examinerez avec toute la bienveillance qu'il mérite.
L'éditeur (belge): Inutile. Les affaires vont mal. Les livres belges ne se vendent pas.
L'auteur: C'est peut-être que vous ne savez pas les lancer.
L'éditeur: Dites plutôt que vous ne savez pas les écrire.
L'auteur: Je préfère ne pas discuter. J'irai porter mon manuscrit en France. Son succès vous rendra malade.
L'éditeur: (Dressant l'oreille.) Ne vous fâchez pas. Je ne doute pas que votre livre, édité à Paris, ne recueille aussitôt les suffrages de la Belgique entière. Le même livre, si je l'éditais, tomberait ici dans l'indifférence générale.
L'auteur: Votre firme a-t-elle donc si mauvaise réputation?
L'éditeur: Sa réputation vaut exactement celle des auteurs que j'édite.
L'auteur: La plupart, en effet, sont fâcheusement médiocres.
L'éditeur: C'est ce que m'assure chacun d'eux.
L'auteur: Mais alors, à qui la faute?
L'éditeur: Aux libraires, qui ne recommandent pas nos livres, aux critiques, qui n'en parlent pas, aux lecteurs, qui en achètent d'autres, aux pouvoirs publics, qui ne favorisent pas la littérature nationale, aux auteurs enfin, qui nous réservent leurs fonds de tiroirs et s'empressent de nous quitter dès que Paris consent à les accueillir.
L'auteur: Que feriez-vous d'autre à leur place ? Remarquez pourtant que je vous donnais la préférence.
L'éditeur: Ouais. Voyons un peu votre manuscrit.
L'auteur: L'éditez-vous enfin?
L'éditeur: À certaines conditions.
L'auteur: Lesquelles?
L'éditeur: Il faut me dire d'abord qui vous avez derrière vous.
L'auteur: (Se retournant.) Mais… personne!
L'éditeur: Je m'explique. On peut écrire un livre pour toutes sortes de raisons. Dites-moi que vous avez écrit le vôtre pour le compte d'une banque ou des communistes, pour le compte des curés ou des francs-maçons, ça m'est égal. Mais n'essayez pas de me faire croire que vous avez noirci trois-cents pages de papier, format commercial, à seule fin de vous amuser.
L'auteur: (Faisant mine de reprendre son manuscrit.) Je crains que nous ne nous entendions jamais.
L'éditeur: Rasseyez-vous. Je respecte votre discrétion. Après tout, peu m'importe. Il suffira que vous me garantissiez un minimum de vente.
L'auteur: En d'autres termes, vous me proposez, à peine déguisé, une édition à compte d'auteur. J'aurai tous les tracas, je courrai tous les risques et vous garderez tous les droits.
L'éditeur: Voulez-vous donc que je me ruine?
L'auteur: Voulez-vous que je me ruine et que je me déconsidère?
L'éditeur: Personne n'en saura rien. Vous ne doutez pas du succès de votre livre? Et vous avez assez d'amis qui seront heureux de souscrire.
L'auteur: Ce sont toujours les mêmes qu'on sollicite. Ils se lassent. Plusieurs sont morts.
L'éditeur: De ça?
L'auteur: Tout comme. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient tapés.
L'éditeur: Et les écoles? Et les bibliothèques publiques? Vous avez, parait-il, vos entrées au ministère.
L'auteur: Moins que beaucoup de médiocres, qui sont les plus habiles à ce genre de démarches.
L'éditeur: Il s'agira de leur damer le pion.
L'auteur: Quel métier!
L'éditeur: C'est le vôtre.
L'auteur: Non, le vôtre!
L'éditeur: Je ne suis qu'un commerçant.
L'auteur: Je m'en aperçois. Moi, je suis écrivain, non commis voyageur.
L'éditeur: Les deux ne sont pas incompatibles.
L'auteur: Ils le sont. Chaque client que je vous gagne est un lecteur que je perds. Quelle confiance aurait-on dans un livre qui s'achète par obligation, par politique ou par amitié ? Il n'est pas jusqu'aux infortunés enfants des écoles que vous ne dégoutiez à jamais des lettres belges, en les leur ingurgitant de force à l'âge qui ne pardonne pas. Permettez-moi de vous dire que les éditeurs français s'y prennent d'autre façon.
L'éditeur: Je me suis souvent demandé comment.
L'auteur: En s'efforçant de ne publier que des livres assez bons pour se recommander eux-mêmes.
L'éditeur: Telle est aussi mon ambition.
L'auteur: Vous songez cependant à m'éditer sans m'avoir lu.
L'éditeur: Je vous le répète, je ne suis qu'un commerçant. Quelques-uns de mes concurrents se piquent plutôt de littérature. Ils font faillite l'un après l'autre.
L'auteur: Comment expliquez-vous que les éditeurs français fassent fortune?
L'éditeur: Voilà le mystère. On sait pourtant qu'ils n'ont aucun sens de l'ordre ni des affaires. Sans se donner le moindre mal, ces gaillards-là écoulent leur marchandise dans le monde entier.
L'auteur: Preuve que la marchandise, comme vous dites, est bonne.
L'éditeur: Ou du moins qu'elle passe pour telle.
L'auteur: Il n'y a pas de fumée sans feu.
L'éditeur: Le pavillon couvre la marchandise.
L'auteur: À condition que la marchandise ait fait le renom du pavillon.
L'éditeur: Je serai donc très sévère sur la qualité de votre ouvrage.
L'auteur: Seriez-vous critique littéraire, en même temps que commerçant ?
L'éditeur: Je consulterai mon comité de lecture.
L'auteur: Il se compose?
L'éditeur: Rien que des gens très bien. Un avocat, un médecin, un journaliste, un haut fonctionnaire, un officier en retraite, un ancien député et deux professeurs: bref, des intellectuels. Ma femme a d'ailleurs son mot à dire. Et elle a du flair.
L'auteur: J'espère qu'il y a bien encore un écrivain dans votre comité, tout au moins un homme de lettres, quelqu'un qui connaisse le français et fasse profession d'apprécier le style.
L'éditeur: Vous en avez de bonnes. Allons faire un tour.
(Ils entrent dans une librairie voisine, où se trouvent déjà un critique renommé et un client occupé à bouquiner.)
L'éditeur: Bonjour, messieurs. Comment va la littérature ?
Tous les autres: (Ensemble.) Mal.
La libraire: Les gens ne lisent plus.
Le client: C'est qu'il n'y a plus rien à lire.
L'auteur et l'éditeur: (Ensemble.) Ah! permettez, monsieur. Le cinéma, la radio, les voyages, les plaisirs faciles…
La libraire: Non, monsieur a raison. Les éditeurs ne répondent pas aux commandes, et ils nous inondent de bouquins illisibles.
L'éditeur: Comment? Je ne réponds pas aux commandes?
La libraire: Il n'y a pas de commandes pour vous.
L'éditeur: C'est tout naturel, puisque vous n'exposez pas mes livres.
L'auteur: Il me semble aussi.
La libraire: Je viens de refaire mon étalage. Je n'ai ni place ni temps à perdre pour des livres dont les clients ne veulent pas. Le paquet d'invendus est à votre disposition dans la cave.
L'éditeur: Les clients seraient peut-être moins partiaux si nous avions une critique digne de ce nom.
Le critique: Allez dire cela à mon directeur, et persuadez-le d'accorder à la littérature, dans son journal, la moitié du quart de l'importance qu'il donne au sports, à la colombophilie, au cinématographe.
L'éditeur: Vous l'y disposeriez en rendant votre rubrique aussi attrayante que celles-là.
Le critique: Et vous en me fournissant une matière qui s'y prête.
L'éditeur: Vous paraissez moins difficile à l'endroit des navets que vous portez aux nues.
L'auteur: D'accord!
Le critique: On a quelques obligations.
L'éditeur: N'en avez-vous donc pas envers les lettres nationales?
L'auteur: De grâce, ne confondons pas littérature et nationalisme!
L'éditeur: Je veux dire qu'on devrait signaler au public les livres de qualité, même quand ils sont belges.
L'auteur: D'accord.
Le client: Non, vous voulez dire qu'on devrait imposer au public les livres belges, même quand ils ne valent rien. C'est le meilleur moyen de discréditer ceux qui valent quelque chose.
L'auteur, Le critique et l'éditeur: (Se parlant ensemble et confusément.) C'est votre faute aussi! Un vrai scandale! Je l'ai dit et redit… Quel toupet! Vous ne l'avez pas volé… Et vous alors, mon petit monsieur!
La libraire: Assez de tapage, messieurs! Ma boutique n'est pas une académie. Vous épouvantez ma clientèle. Je fais un paquet à monsieur?
Le client: Oui, s'il vous plait.
L'auteur: (Entre ses dents.) Uniquement des livres français!
Le critique: (Tout fier.) Je n'ai pourtant parlé d'aucun de ceux-là.
L'éditeur: Vous n'en pensez pas moins.
Le client: (Après avoir payé.) Messieurs, jusqu'à nouvel ordre, j'achète et je lis, en définitive, ce qui me plait. Bonjour, messieurs. (Il sort.)
L'éditeur: C'est du dumping. Je ne comprends pas le gouvernement.
(Entre le vice-président de la Société des littérateurs belges.)
Le vice-président: Mademoiselle, mes chers confrères, mon cher critique, mon cher éditeur, mon cher poète… euh ! dramaturge… euh! essayiste?
L'auteur: Romancier, monsieur le président.
Le vice-président: C'est ça, romancier, où donc ai-je la tête? Il est vrai qu'elle me tourne un peu. Notre Société vient de recruter à l'instant son cinquante-millième membre. Vous avez la primeur de cette nouvelle. Je l'annoncerai solennellement ce soir à l'assemblée générale.
La libraire: Comme je ne vends pas cinquante-mille livres par an, tant s'en faut, je peux prévoir encore quelques réclamations.
Le vice-président: N'ayez crainte, ma chère demoiselle. Je le dis aussi pour vous, messieurs. Nos cinquante-mille membres unanimes, forts de leur nombre et de leur talent, conscients de représenter désormais dans la vie nationale une force dont l'importance ne saurait échapper à personne de ceux qui, plaçant l'esprit au-dessus de la matière, tiennent compte cependant non seulement du prestige, mais même de l'intérêt économique qui s'attachent au rayonnement des valeurs spirituelles grâce auxquelles un pays comme le nôtre…
Tous les autres: (Assez frappés.) Bravo! Bravo!
L'auteur: Peut-on savoir, au fait, qui est ce cinquante-millième membre que nous avons le bonheur…?
Le vice-président: Ma foi, son nom ne me revient pas. Cinquante-mille noms, vous comprenez… Du reste, ça ne vous dirait rien. Ce confrère de province s'est fait estimer des connaisseurs par un ouvrage documenté, mais savoureux sur l'élevage du lapin. Il a de plus traduit dans le pittoresque langage de nos Marolles une comédie wallonne qui remporta naguère à Fayt-lez-Manage un succès du meilleur aloi. Il nous promet enfin une lecture publique de l'Épopée en alexandrins libres, inédite jusqu'ici, qu'il a écrite sur les géants du pays d'Ath. Une œuvre qui sent bon le terroir!
(Le critique prend des notes.)
La libraire: Et vous vous figurez que mes clients vont lire ça!
Le vice-président: Il faudra bien qu'ils s'y mettent. La littérature belge est en marche et rien ne l'arrêtera. Haut les cœurs! Serrons-nous les coudes!
(Entre un client étranger.)
Le client étranger: Pardon, madame, je m'intéresse de la littérature belge et je voudrais…
Le vice-président: Que vous disais-je? L'étranger vient à nous. L'étranger se penche sur nous. Minute émouvante ! C'est le couronnement de nos efforts.
Le client étranger: Je voudrais reporter dans mon pays les volumes les plus signifiants. Voici mon liste : Verhaeren, Eeckhoud, poèmes de Rodenbach, Maeterlinck, Van Lerberghe…
Le vice-président: Quelle culture! Quelle connaissance de la chose littéraire belge!
La libraire: Épuisé.
Tous: (Ensemble.) Quoi?
La libraire: Je dis que c'est épuisé. Les titres de ces auteurs sont épuisés.
Le vice-président: Mais c'est impossible! Ces prestigieux écrivains sont à l'apogée de la gloire. La semaine passée encore, le banquet Rodenbach fut un triomphe. Et dimanche prochain, nous refuserons du monde à l'inauguration du buste de Van Lerberghe: il y a quatorze orateurs inscrits…
Le critique: On ne me reprochera pas d'avoir mal servi la mémoire de ces grands Belges. Dans chacune de mes pages littéraires…
La libraire: Ils sont morts. On parle d'eux. C'est amusant. Mais vous savez, on ne les lit guère. Leurs administrateurs, s'ils y tiennent, feraient mieux de se cotiser pour réimprimer leurs œuvres.
Le vice-président: À quoi donc pensent nos éditeurs?
L'éditeur: Si c'est pour moi que vous dites ça… L'idée de mademoiselle me parait excellente.
La libraire: (Au Client étranger.) Ensuite, monsieur?
Le client étranger: (Lisant sa liste.) André Baillon.
La libraire: Ça manque aussi.
Le client étranger: Et Robert Poulet?
La libraire: En prison. À l'index.
Le client étranger: Marie Gevers.
Les autres: Euh! Euh!…
La libraire: Elle avait trop de succès. J'ai dû retirer ses livres. On menaçait de casser ma vitrine.
Le vice-président: Quels sont les scélérats qui ont osé…?
La libraire: Ce sont quelques-uns des cinquante-mille membres de la Société des littérateurs belges.
Le client étrange: Drôle de pays. Je continue: Simenon, Michaux…
La libraire: Je n'en ai plus en magasin pour le moment. Question de devises. Mais je peux vous les commander à Paris pour après-demain.
Le client étranger: Ne vous disturbez pas. Je suis à Paris demain. Ces auteurs belges sont managés à Paris ?
L'auteur: Heureusement pour eux.
Le client étranger: Marcel Thiry.
La libraire: Connais pas.
Le vice-président: Inadmissible!
Le client étranger: Est-ce que je trouve aussi à Paris?
La libraire: Du moment que je ne connais pas, ça m'étonnerait.
Le client étranger: Et Blanche Rousseau?
La libraire: Rien.
Le client étranger: Enfin, Robert Vivier?
La libraire: Ça ne se demande jamais.
Le critique: C'est un peu spécial, un peu mandarin…
Le client étranger: Quand ce n'est pas spécial, je ne suis pas curieux. Il ne faut pas tuer vos mandarins.
La libraire: C'est tout ce que monsieur désirait?
Le client étranger: Si vous avez encore les autres livres belges de valeur dont mon pays n'est pas documenté, vous pouvez montrer.
(La Libraire monte au sommet d'une échelle et fouille dans un rayon, d'où elle tend au client étranger des brochures défraichies. Pendant qu'il les examine une à une, la conversation se poursuit.)
Le vice-président: Ne manquez pas d'assister en tout cas à l'assemblée de ce soir. L'ordre du jour est particulièrement digne de votre attention. Outre la partie littéraire qui sera consacrée au jeune et talentueux poète de Coquelicots iridescents et de Cacophonie pour ne rien dire, et qui sera suivie d'un récital de ses œuvres mises en musique, nous aurons la présentation de notre cinquante-millième membre et la préparation des cérémonies prévues pour la fin du mois en l'honneur de l'académicien français, on ne sait pas encore lequel, qui viendra, au nom de la République, remettre les insignes de la Légion d'honneur au dévoué trésorier de notre section flamande.
Le critique: Mon article est déjà tout prêt sur ce considérable évènement littéraire.
L'auteur: M'excuserez-vous pourtant si je reste ce soir à la maison? J'avais l'intention de travailler…
La libraire: (Du haut de son échelle.) Vous avez bien raison. Tâchez de nous écrire quelque chose de beau. C'est le principal.
Le vice-président: Écrire, écrire, mon jeune ami, vous en aurez toujours le temps. Est-ce que je pense à écrire, moi? Ce n'est pas à votre âge qu'on a le droit de se retirer dans la tour d'ivoire. La solidarité des écrivains, voilà le plus sacré de leurs devoirs. Tous sur la brèche!
L'auteur: Mais estimez-vous vraiment que ma présence soit utile?
Le vice-président: Indispensable, car je ne vous ai pas dit le plus important. La France, vous ne l'ignorez pas, refuse obstinément d'acheter les livres belges.
La libraire: Pauvre France! (Elle rit.)
Le client étranger: Moi, je ne ris pas. Si quelqu'un il vous vend un bœuf et il ne veut pas vous acheter un œuf, ce n'est pas comique, c'est triste. Ça signifie, le fair-play il a disparu de la terre, aussi la liberté, aussi le sens des affaires, aussi le sens de la ridiculosité. Et surtout pour les livres. Et surtout de la France.
Tous: (Ensemble.) Très bien, monsieur, très bien!
L'éditeur: Je ne l'ai pas fait dire à monsieur. C'est précisément cela que je me tue à répéter.
Le vice-président: Non pas en vain, mon cher éditeur, puisque nous allons, ce soir même, voter une résolution unanime, adjurant notre gouvernement d'interdire, au nom des droits imprescriptibles de l'esprit, l'accès du territoire à tous les livres français.
La libraire: Mais alors, qu'est-ce qu'on vendra?
L'auteur: Mais alors, qu'est-ce qu'on va lire?
Le client étranger: Alors, vous n'aurez plus le bœuf et vous garderez quand même l'œuf.
Le vice-président: Rassurez-vous, ce n'est là qu'une menace, qui n'aura pas besoin d'être mise à exécution pour se révéler efficace.
La libraire: Détrompez-vous. M. le trésorier de votre section flamande, justement le futur officier de la Légion d'honneur, est venu ce matin rafler tout ce qu'il a pu de Gide, de Proust et de Sartre avant la fermeture des frontières qu'il tient pour imminente. Il était plein d'espoir. L'occasion est trop belle, disait-il, d'en finir avec cette invasion de la pensée française décadente. Les cercles flamingants, les autorités ecclésiastiques et culturelles font pression sur le ministère. Et à la veille des élections…
Le vice-président et l'éditeur: (Ensemble.) Nom d'un chien!
Le critique: Moi, je recevrai toujours mes services de presse.
L'éditeur: (À l'auteur.) Pour votre manuscrit, il y a de fortes chances que ça s'arrange. Venez ce soir sans faute à la réunion. Je me sauve. (Il se sauve.)
La libraire: (Redescendant de l'échelle.) Alors, monsieur ne trouve rien qui lui plaise ?
Le client étranger: Tous ces auteurs sont inconnus de moi. Cinquante-mille, on a dit. C'est trop. Impossible choisir. Ils ne sont pas sur mon liste.
La libraire: (Riant.) Monsieur aimerait peut-être mieux le traité sur l'élevage du lapin ?
Le client étranger: Merci. Dans mon pays, on s'intéresse seulement des lièvres. (Il sort, après avoir acheté, par politesse, un roman policier américain.)
La libraire: Messieurs, on va fermer.
(Avant de partir, le vice-président et l'auteur font à leur tour l'acquisition de quelques nouveautés françaises ; ils réclament et obtiennent la réduction de dix pour cent.)
Le critique: (Saluant.) Et vive la Belgique littéraire. Elle est immortelle.
(Le volet tombe en grinçant. L'auteur belge rentre chez lui à pied. Il respire profondément. Mais il oublie de lever les yeux vers le ciel où s'allument des étoiles.)

 

Alexis CURVERS

Texte paru dans la revue générale de février 1998, numéro consacré à l'édition littéraire en Belgique francophone.
La Revue générale applique les rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l'Académie française.


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