Le prix Michot, décerné pour la première fois
en 1924, est le doyen des prix décernés par
l'Académie royale de langue et de littérature
françaises de Belgique.
Il a été créé en souvenir d'un Brugeois
francophone, Auguste Michot, par ses amis, ses élèves
et ses admirateurs et est destiné tous les deux ans
«à une uvre littéraire, en prose ou en vers,
d'un auteur belge de langue française, consacrée
à célébrer les beautés de la terre de
Flandre».
C'est le prix, qui, dès les origines, a eu le plus de peine
à trouver son destinataire. On pense d'ordinaire à un
Flamand célébrant en français sa terre natale,
comme l'a fait un Camille Melloy par exemple. Mais, outre que la
célébration des beautés n'est pas une condition
suffisante pour accéder à la littérature, les
auteurs de cette catégorie ont tendance à se
raréfier.
Si le sentiment de patrie est fait, pour une part, de souvenirs communs, le patriotisme belge doit sans doute beaucoup aux vacances à la plage : cette phrase est de Marcel Thiry et est citée dans le livre couronné par le prix Michot en 1997 : c'est le quatrième volume, sous-titré Les écrivains et l'imaginaire du lieu, rédigé par Yvan Dusausoit et dû à l'heureuse initiative de l'éditeur Bernard Gilson sous le titre général La mer du Nord du Zoute à la Panne, les trois volumes précédents traitant de géographie et d'histoire, de peinture, de gastronomie. C'est un livre superbe, textes et images, un essai passionnant sur les rapports entre cette région et une centaine d'écrivains, avec des citations parfois surprenantes, fort bien situées dans leur contexte biographique et littéraire.
Le choix de 1999 nous rappelle utilement que les habitants de Bruxelles et de la Wallonie n'ont pas pris l'initiative d'ériger la frontière linguistique en barrière. Le jury de l'an dernier était tout fier de proposer un livre de qualité sur un thème peu traité en français, et de quel auteur! Gaston Compère, un des plus réputés parmi nos écrivains vivants, par la variété étonnante de ses dons, de ses talents, de ses écrits, dans leur forme comme dans leur inspiration (l'Académie a publié son étude sur Le théâtre de Maurice Maeterlinck), réputé par la vivacité de ses jugements, par son indépendance d'esprit, mais moins connu pour une sensibilité qu'il cache sous des dehors bourrus.
Le titre complet est long et suggestif : Polders : les noces de
la terre, de l'eau et du ciel. Essai de géographie
sentimentale (avec un adjectif illustrant ce que je viens de
dire). Le contenu bouscule la catégorie des genres
littéraires, ce qui n'est pas pour déplaire à
notre auteur : notes personnelles ; conversations entre amis ;
extraits de lettres ; articles écrits pour une revue
touristique ; poèmes ; traductions de poèmes flamands.
Il faut ajouter que Claudio Serughetti en a tiré un film, dont
la musique a été composée par Compère
lui-même. C'est d'ailleurs à l'occasion de la sortie du
film qu'a été faite la nouvelle édition, revue
et augmentée, que nous avons le plaisir de couronner.
Extrait du discours d'André Goosse, Secrétaire
perpétuel de l'Académie royale de langue et de
littérature françaises, Bruxelles, Palais des
Académies, 11 mars 2000.