C'est le résultat d'une psychanalyse salutaire du Belge
francophone que présentent les auteurs de l'étude:
«Les Belges et la norme».*
Le francophone de chez nous en est (re)devenu tout à fait
normal parce que libéré du complexe de la norme.
Dans l'esprit de beaucoup de francophones, la norme c'est le
français tel qu'on le parle en France et même plus
précisément à Paris ? J'allais dire: à la
Cour.
Or, «comme toutes les langues, le français connaît
de multiples variétés différentes, notamment
selon les régions et les classes sociales». Et ces
différences ne sont pas égalitaires, elles sont
hiérarchisées.
L'école, l'académie, les grammairiens, les chroniqueurs
de la langue indiquent ce qui doit être considéré
comme correct ou non. Il s'en suit que le Belge francophone a
développé un complexe d'infériorité par
rapport aux voisins français.
L'objectif de notre étude psycho-linguistique est de révéler aux Belges l'image qu'ils se font de leur français.
Les enquêteurs ont soumis une série de mots ou expressions à un échantillon de personnes en demandant à celles-ci: «est-ce belge? A la fois belge et français? Français? Est-ce correct? A la fois correct et incorrect? Incorrect?». Il ressort clairement des réponses que tous les groupes «ont une même tendance à amalgamer belge et incorrect». Ce sont les personnes les plus âgées (61 - 80 ans) «qui ont le plus conscience que les belgismes sont belges». Les jeunes répondent moins souvent «incorrect» pour toutes les catégories. Il apparaît aussi que les femmes sont plus normatives que les hommes.
L'étude fait un sort à une série d'assertions telles que: «les Français ont une plus grande fluidité verbale», «les Français ont un vocabulaire plus riche».
Quand un acteur, prêtant son talent à l'expérience, fait un même exposé avec l'accent français, l'accent bruxellois et l'accent liégeois, c'est l'accent français qui donne l'impression d'un usage plus correct de la langue. Il apparaît que c'est prioritairement «l'accent des locuteurs qui déterminerait l'appréciation de la richesse lexicale, de la complexité syntaxique, etc...».
«Le locuteur qui parle avec l'accent belge n'est jamais proposé comme un modèle de bon langage». «La plupart des spécificités belges, les belgismes, désignées comme des écarts par rapport à cette norme de France, font l'objet de condamnations explicites». Trouvent généralement grâce cependant des mots tels que septante, chicons, bourgmestre, aubette, etc... Bien sûr l'esprit de prestige socio-culturel intervient dans le jugement de hiérarchie linguistique. «Les belgismes utilisés par les classes socioculturellement dominantes, échappent pour la plupart à la stigmatisation qui frappe les belgismes populaires.»
En un mot comme en cent «la plupart des francophones belges ont sur leur langue des conceptions que dément l'observation des données objectives».
Ces conceptions ont été générées par le discours normatif dominant sur la langue. Et les auteurs de l'étude estiment qu'un autre discours sur la langue pourrait et devrait se tenir qui couperait «l'herbe sous le pied de cette idée selon laquelle il existerait une norme panfrancophone unique, neutre, dépourvue de tout ancrage national. La France a ses variétés de prestige, le Québec a les siennes, les pays africains francophones ont les leurs, comme la Suisse et la Belgique.»
«Il y a donc» disent in fine les auteurs «en
matière de langue, une nouvelle culture à implanter
dans la Communauté française de Belgique. En sorte que
les francophones belges ne se perçoivent plus, au sein de la
francophonie, comme assis sur un strapontin, mais sur un siège
de plein droit, en toute légitimité.»
Quelques exemples de phrases soumises aux personnes
interrogées dans l'épreuve:
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